Nucléaire : de la fission aux fissures

Le nucléaire, dans le fond, ce n’est qu’une histoire de plomberie mal étudiée.
Une centrale nucléaire belge en fait ces temps ci la démonstration, mais en France nous ne sommes pas mieux lotis.

Alors que la catastrophe de Fukushima continue de menacer une partie de la planète, un peu partout dans le monde, les « incidents » nucléaires se multiplient, pour l’instant sans trop de conséquences… mais jusqu’à quand ?

On se souvient du « fleuron » nucléaire, le mal nommé « Superphénix  », qui a connu sa fermeture suite, entre autres, à une fuite de sodium longue à élucider. lien

Historique…

Les alarmes signalaient que du sodium s’échappait à raison de 500 litres par jour, mais les gestionnaires du site étaient convaincus qu’il ne s’agissait que d’un défaut électrique.

Voila les fax envoyés à l’autorité de tutelle :

6 mars 1987 « apparition d’une alarme relative à une détection de fuite dans l’espace intercuve du barillet de stockage. Cette alarme n’est pas confirmée en local- des investigations sont initiées sur les chaines d’acquisition ».

9 mars 1987 «  apparition d’une alarme battante correspondant a un défaut d’isolement sur la détection en fond du puits du barillet. Les investigations sont poursuivies sur le traitement des mesures  ».

31 mars 1987 « à l’issu des investigations, un prélèvement dans l’espace intercuve n’a pas montré de trace significative de sodium ».

Arrive la conclusion :

« Depuis, des bilans effectués sur les niveaux de sodium du barillet et du réservoir de stockage du circuit de sodium du barillet et des manœuvres d’exploitation effectuées le 2 avril montrent qu’environ 20 mètres cube de sodium pourraient se trouver dans l’espace intercuve ».

Pour le lecteur qui aurait du mal à se retrouver dans ce charabia un peu technique, on peut le résumer simplement en disant : les exploitants, se refusant à l’évidence d’une improbable fuite de sodium, ont vérifié pendant un bon mois tout le circuit électrique, convaincus qu’il ne s’agissait que d’un problème de câblage, avant de s’apercevoir que le fuite était réelle et que 20 tonnes de sodium s’étaient évacués dans l’espace intercuve. (Le sodium liquide s’enflamme spontanément au contact de l’air, et explose au contact de l’eau). lien

Ils décidèrent donc d’arrêter le réacteur, et la fuite s’arrêta aussitôt, mais dès qu’ils redémarraient celui-ci, la fuite reprenait de plus belle.
Il leur fallu un certain temps pour comprendre que la cuve était fissurée (des micro-fissures) et que celles-ci « se refermaient » dès que la cuve se refroidissait, reprenant de plus belle des que le réacteur redémarrait.
Tout ça venait de l’utilisation d’un acier inapproprié comme l’ont écrit les experts du SEDE le 28 aout 1989 : «  il est pourtant bien réel que les concepteurs de « Superphénix » ont fait au moins une erreur monumentale : l’utilisation d’acier ferritique pour les cuves intérieures et extérieures du barillet constitue une faut d’appréciation caractérisée qui aura couté au contribuable français quelques centaines de millions de francs suisses supplémentaires, rendu « Superphénix » inopérant comme surgénérateur et contraint les exploitants à repenser complètement la manutention des éléments combustibles et à construire sur le site de la centrale une piscine de stockage des éléments combustibles irradiés  ».
Mais tout ça c’est de l’histoire ancienne.
Pourtant, c’est à la lumière de ces péripéties qu’il faut regarder ce qui se passe dans une centrale belge, celle de Doel.
L’AFCN (agence fédérale de contrôle nucléaire) indique laconiquement : « de nombreuses anomalies ont été découvertes sur le réacteur n°3 de la centrale nucléaire de Doel »
Il y a des fissures dans l’acier de la cuve du réacteur, et la question est de savoir si ces fissures sont verticales, ou horizontales, espérant qu’elles ne soient pas verticales, car celles-ci résistent difficilement à des hautes pressions.
Aux dernières nouvelles, l’exploitant Electrabel n’aura pas l’autorisation de redémarrer le réacteur, puisqu’une fissure de 15 à 20 mm a été détectée, et que Willy de Roovere, directeur de l’AFCN, a déclaré être « assez sceptique pour le moment  » en ce qui concerne la réutilisation de la cuve défectueuse. lien
Pour un expert en la matière, Mycle Schneider, c’est peut être plus grave que l’on veut bien nous le dire : « ce type de défaut peut conduire à une explosion nucléaire ». lien
En tout cas, l’AFCN assure que le réacteur restera à l’arrêt au moins jusqu’au 31 aout. lien
Une société, Rotterdamsche Droogdok, disparue aujourd’hui, est à l’origine de cet acier défaillant, ce qui nous rappelle celui du « super »phénix français.
Plus grave, d’autres centrales sont équipées des mêmes cuves, comme par exemple celle de Tihange, laquelle devait être arrêtée pour une révision, l’occasion de vérifier l’état de la cuve.
En effet, ce fabricant disparu a fourni 21 autres cuves de réacteurs dans le monde : 10 sont aux Etats-Unis, 2 en Allemagne, 1 en Argentine, 2 en Espagne, 2 aux Pays Bas, 2 en Suède, et 2 autres enSuisse, toutes ces cuves étant potentiellement dangereuses. lien
Ces évènements inquiétants pour le monde nucléaire soulèvent d’autres questions.
Ces centrales endommagées ne sont pas pourtant les plus vieilles de l’Europe, apportant la preuve que le plan de sortie nucléaire devrait être revu à la lumière de ces problèmes. lien
La France n’est pas à l’abri, et il suffit d’un petit retour en arrière pour découvrir que les fissures et le nucléaire sont de vieilles connaissances.
Ainsi à Chatou-sur-Saône, en 1979, un ouvrier avait découvert des fissures dans la plaque d’acier qui forme la base du générateur de vapeur.
Sur ce lien, on peut suivre les péripéties de cette affaire de fissures, qui concerne tout de même un grand nombre de nos centrales aujourd’hui en activité.
De Gravelines à Fessenheim, en passant par Bugey, ou au Tricastin, toutes sont concernées, et à l’époque les autorités de surveillances ont voulu se montrer rassurantes, affirmant qu’il ne s’agissait que de « défauts superficiels »…
D’ailleurs à Gravelines, des microfissures viennent d’être détectées dans la cuve d’un réacteur, provocant l’arrêt de la centrale. lien
On se souvient que l’ASN (autorité de sureté nucléaire) avait dénoncé dans son rapport du 28 juin 2012 les118 pièces de robinetterie défaillantes d’un grand nombre de centrales nucléaires françaises, (lien) et que les experts avaient constaté de graves défauts de plomberie concernant 31 centrales nucléaires du pays. lien
Au Japon, le peuple citoyen est quasi chaque jour qui passe dans la rue, à crier sa détresse, demandant que la page nucléaire soit définitivement tournée dans leur pays. lien
Ils ont choisi l’énergie populaire contre l’énergie nucléaire et la mobilisation prend chaque jour un peu plus d’ampleur. lien
Alors que les lobbys pro nucléaires entonnent en cœur « toujours pas de morts à Fukushima », (lien) ce qui est faux, (lien) oubliant que le macabre décompte ne sera possible que dans un quart de siècle, comme à Tchernobyl, il n’en reste pas moins que l’on commence à constater des excroissances anormales concernant 36% des enfants de Fukushima, ceci expliquant les nombreux avortements décidés par les japonaises préférant avorter que de prendre le risque d’accoucher d’un enfant handicapé.lien
Au sujet de ces excroissances anormales, les experts ont constaté « une progression beaucoup plus rapide par rapport à Tchernobyl », ce qui tend à prouver que la catastrophe de Fukushima dépasse de loin celle de la centrale ukrainienne. lien
Toujours à Fukushima, un épisode pourrait prêter à sourire si la situation n’était pas si grave.
Tepco avait décidé d’utiliser un ballon captif afin d’explorer l’étage supérieur du bâtiment du réacteur n° 1, secteur impossible à approcher vu le taux de radioactivité.
Mal lui en a pris, le ballon s’est retrouvé coincé, après avoir réussi à prendre malgré tout quelques images.lien
Pas étonnant dès lors que Jeff Immelt, directeur général de G.E. (Général Electric) ait déclaré dans les colonnes du Financial Times : «  l’énergie électronucléaire est devenue si chère comparée aux autres sources énergétiques qu’il est devenu « extrêmement délicat » de la justifier  ».
Evoquant les couts indirects (démantèlement, accidents, sécurité accrue…) de l’électronucléaire il affirme que « ceux-ci la rendent apparemment moins compétitives que d’autres sources, comme le gaz ou certaines énergies renouvelables, dont le cout diminue ». lien
En tout cas, RWE devrait supprimer sous peu 2400 emplois en Allemagne, (lien) ceux-ci étant largement compensés par les 190 000 emplois allemands créés déjà en 2010 grâce aux énergies propres et renouvelables. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « la théorie, c’est quand on comprend tout et que rien ne marche, la pratique, c’est quand tout marche mais on ne sait pas pourquoi, avec le nucléaire, nous avons réussi les deux : rien ne marche et personne ne sait pourquoi ! »

Olivier Cabanel

Marc Lafontan, Au bout de la route 

Une réponse à “Nucléaire : de la fission aux fissures

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