Image:Tiré du film, Baraka
J’ai eu un visiteur, un jour, qui m’a dit ramasser et faire sécher les coquilles d’œufs. Il les vendait à un prix d’or comme les chinois vendent du ginseng. On aime tous se « prolonger »un peu à travers des formules ou produits magiques.
J’ai l’impression que ma tête, et toutes les têtes finiront un jour par ressembler à cette montagne de crânes sur laquelle nous marchons.
Mourir, c’est partir un peu…
De là mon incompréhension pour ces luttes internes d’humains contre humains. Vous savez, cette culture des couches sociale si chère à notre époque, mais, au fond, millénaire.
Je me souviens, adolescent, d’avoir eu honte de mes parents : ils ne faisaient pas partie du « jet-set » de la culture. Non! Ça n’a pas duré.
Mon aventure dans le monde de la musique d’alors, le bon vieux rock, m’a amené à connaître des gens riches qui faisaient l’envie de la petite ville. C’est en entrant chez eux, invité pour mes talents, que je vis les dégâts des familles dysfonctionnelles des riches.
Un jour qu’il m’invita à son chalet, sur les bords du grand Saint-Laurent, un type, en sortant de la piscine, alla chercher son argent – tout trempé- et s’amusa à l’étendre sur une corde à linge pour le faire sécher. Un peu psychédélique comme spectacle… J’avais été assez naïf pour penser que les riches étaient plus heureux. Non! Ils étaient compliqués, souvent niais, mais, surtout, dénudés (sic) de toute forme d’humanisme.
Dans ce monde, et dans bien d’autres, les rois se couronnent eux-mêmes avec ce qu’ils ont. Et ce qu’ils ont peut être de l’argent, une forme d’art, des discours insipides sur les grands débats de ce monde, bien habiles du cerveau. Ces débats ne sont que d’anciens et perdurant débats. Hélas!
La mine de Germinal de Zola, nous n’en sommes pas encore sortis. Il n’y a que des variantes colorées, camouflés, enfouies sous le tapis de cette ère dite moderne, par ce que chaque ère a cru avoir la vérité.
La vie est une coquille d’œuf. Si nous acceptons d’adhérer à sa seule forme, croyants, nous restons à tout jamais morts dans l’œuf. Et dans ce bouillant brouhaha de cerveaux qui dirigent le monde, qui créent de grandes entreprises, qui les vendent, qui achètent les autres, dans un but de grandeur qui m’étonnera toujours.
Peu importe ce que l’on fait, la seule œuvre, l’authentique, est son être. Il y a ceux qui se bouffissent et ceux qui se sculptent.
La meilleure recette n’est pas de ramasser de l’argent ou de la gloire, mais ramasser toutes les vies qui ont passé dans notre vie. Les regarder, les étudier, mais, comme dans une sorte de méditation : le message est là, il faut savoir écouter.
Personne n’apprend rien en hurlant ce qu’il est, ce qu’il pense être, en criant sa vérité.
Il faut être le juge qui se condamne de ce qu’il est.
Au fond, les être humains, malgré leurs « défauts » sont simples. On préfère souvent une idée à une action. Ceux qui choisissent ce trop plein d’idées font le combat des ancêtres qui n’ont pas réussi à éteindre le grand gel des relations humaines.
Donner n’est qu’un échange de douceurs. Ça ne se comptabilise pas. C’est parfois simple de vivre, mais on ne vit pas d’idées, mais d’actions.
***
Il y a quelques jours, j’ai été un type à redémarrer son auto. Je lui ai dit d’attendre dix minutes parce que j’avais un boitier pour raviver un peu sa batterie à plat. Je suis revenu un peu plus rapidement, j’ai redémarré son auto, et il est sorti d’un magasin avec son enfant.
Il m’a demandé si je voulais de l’argent…
De l’argent? Non! Il venait d’acheter une terre et cultivait de l’ail. Sa voiture datait de 1993. En achetant la terre, il avait trouvé la voiture dans la grange et l’avait acheté pour 500$.
Il m’a remercié dix fois. Et trois poignées de main… Ce n’est pas ça qui m’a touché, c’est sa simplicité, son authenticité et l’invisible… Savoir reconnaître ce qu’il y a de pur dans la nature humaine est sans doute la plus belle chose que la vie peut vous donner.
Nous qui passons par des organismes, des créations bureaucratiques, nous voilà parfois surpris des contacts directs et chaleureux.
***
Nous « sommes appris » à vivre pour avoir et non être. Et avoir inclus la stratification sociale si répandue par la propagande…
Comme disait quelqu’un en parlant des voyages : on peut tout rapporter d’un pays, sauf le sourire et le bonheur des gens simples.
Ils en sont encore à s’aider, à se haïr de temps en temps, à lutter, mais dans la réalité, le quotidien.
Puisque l’on meure, et que personne ne sait où l’on va, ce qu’on devient, l’enfer n’est peut-être pas les autres mais l’absence de plus en plus persistance des rapports directs.
Essayez de vous chauffer avec un poêle qui habite à 100 kilomètre de chez-vous!
Et puis, nous sommes si peu différents, avec les mêmes qualités, les mêmes défauts, malhabiles à être seulement ce qu’on est… Il faut croire que les banquiers essaient d’être quelqu’un d’autre en se servant des autres.
Être la richesse de quelqu’un c’est sans doute découvrir sa richesse.
Et non pas l’emprunter…
Gaëtan Pelletier
14 févr. 13