Archives mensuelles : août 2017

Particules de bois, particules de « moi »

Le cerveau est comme l’eau, il s’accroche à tout. Donc, il ramasse tout, sans vraiment connaître sa limpidité ou sa « qualité » .

L’être est l’interminable tempête de l’esprit qui construit ou est construit par les événements, les choses, les mouvements sociaux, les modes, les pubs, les infos, etc. Un être particulaire…

Alors, comment être libre si l’esprit ne l’est pas?

Nous sommes les plus grands rameurs de l’Histoire. Les plus orgueilleux, les plus fiers, les plus peureux, les plus affligés, les plus « intelligents ».   Nous sommes des êtres à qui on a vendu le triste moyen de nous faire ramer: la « performance ».

De par tout ce qui passe, de par la force de nos pauvres « foi » qui nous aveuglent , trop de vies se passent dans la peur. Et quand elle n’est pas là à la naissance, on nous la crée… On l’engraisse, on la friture, dans la gras de l’orgueil.

Peur du jugement des autres.

Peur de ne pas être « à la hauteur »…

Peur de ne pas assez en faire

Peut de ne pas être un bon disciple pour ces causes folles des votes , des guerres, des industries.

Et la première et plus grande ignorance est de croire que nous nous bâtissons. En fait, nous sommes davantage bâtis, construits, infiltrés et collés comme ces matériaux modernes: moins de bois, ou pas… Des particules, des fibres…

La totale liberté ne peut pas exister si l’esprit est emprisonné.

Mais la cage est en nous, donc invisible.  Nous nous habitons sans avoir créé – que trop souvent – notre propre demeure.

Il advient donc que la première révolte, la première réelle révolution se fasse par cette prise de conscience.

Plus la société est toxique, plus l’être est bâti virtuellement et endommagé, bien que les collages soient en apparence la formation d’une « unité » bien utile.  De là cette monstruosité de société endommagée, fibrée, tout en apparence.

On dit juger l’arbre à ses fruits…

La mondialisation n’a pas détruit et ne continue pas de détruire que l’environnement: elle défibre les sociétés, les êtres, dans une industrie d’un holocauste quasi charmant, tant il est étoilé de récompenses, de diplômes, de tous ces distributions auxquelles nous consentons, ravis.

Gaëtan Pelletier

Réjean Ducharme ou la peau à fleur d’âme

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« Dans les livres, les enfants cherchent les secrets des adultes »

Le nez qui voque 

Réjean Ducharme est décédé hier. 76 ans. C’est probablement le seul écrivain qui a su créer un univers entre l’enfant et l’adulte dans une rébellion qui était la sienne. Comme dans une colère « interne », en déchirant les mots et les clichés. Il y a de la souffrance dans l’oeuvre de Ducharme. S’il n’a jamais voulu donner d’entrevues, c’est que son oeuvre était publique, mais pas lui. C’est banal, tout ça. Car Ducharme c’est la vie en une poésie difficile à déchiffrer. Aussi caché dans ses mots que dans sa vie.

Je ne pense pas qu’un écrivain ait pu mieux exprimer la douleur de tous. Il savait simplement la dire et, pour nous, il fallait simplement l’entendre et, parfois, la déchiffrer.

L’étiquette « d’écrivain » était vraiment trop petite pour lui. Un artiste « Jeanne-D’arc », toujours brûlant sans jamais mourir. Les mots le tenaient en vie comme ils nous tiennent parfois dans des lectures.   « En grandissant, un enfant s’use », a-t-il écrit. Cette seule phrase est significative pour qui veut écouter.

J’avais écrit un texte il y a je ne sais combien de temps, parce que je note mal le temps.

L’adultarium

À partir du moment où l’on croit connaître quelque chose de la vie, on l’étreint, comme pour le garder en trésor. On l’étouffe pour s’en nourrir. Car ce qui ne vit pas, ne nourrit personne. Les idées n’ont rien de différent de l’argent, de l’avoir. Les couards saisissent au vol un oiseau, une idée, pour l’enfermer. Ça les rassure.

C’est ça un adulte: c’est un enfant séché. Séché parce que souvent nous aimerions revenir à cette pureté de l’enfance, cette période ou l’on avale sans être avalés. Mais toute nos vies se déroulent dans une constante de formatage pour nous soumettre à la « grandeur » des adultes.

Il n’y a pas plus système qui puisse mener au bonheur. Il n’y en a jamais eu. Il n’y a eu, dans l’Histoire, qu’une série de mégalomanes, d’esclaves volontaires, et il y en aura toujours. Les diables dansent sur la poussière de tous les esclaves ensevelis de l’Histoire. Ils ne connaissent qu’un seul jardin; celui de la fragilité humaine. Ils les font dansotter en ricanant. ( L’adulatarium)

On ne se souvient pas de Réjean Ducharme, on est Ducharme. Madame Bovary c’était Flaubert, mais Ducharme c’est nous. Nous, les révoltés écrasés qui n’avons que les mots pour changer le monde sachant bien que c’est une oeuvre impossible. De là réside le beau mystère de l’oeuvre de Ducharme: je te révèle mon âme, c’est la tienne.

Gaëtan Pelletier

Le Quincailleur

A Benthic sea cucumber commonly known as the pink see-through fantasia. Pink fantasia..sounds like a character from a Disney movie. Beautiful!

Concombre des mers Benthique ( Source)

Il en est qui s’étonnent de voir les autos, les appareils ménagers, les téléphones, bref, tout le clinquant pour  l’esprit. Fascinés comme des lapins devant une carotte parce que le lapin l’a cultivée.

Au fait, que savons nous de la Vie, la vrai, la multiple, l’incompréhensible? Nous sommes fascinés par ce que nous comprenons et non pas par ce que nous ne comprenons pas. C’est la raison pour laquelle nous écartons ce que nous ne comprenons pas et nous nous faisons la grosse tête pour la grandeur de nos minuscules  pouvoir de créer. Que créons nous en manipulant des tomates, en s’émoustillant d evant un robot qui parle ou une machine capable de battre un champion aux échecs? Ou un savon qui lave à l’eau froide?

Si un jour, pour faire le test de la connaissance humaine, et  que  vous décidez d’aller à la quincaillerie pour vous bâtir un papillon ou un perce-oreille, vous constaterez qu’ il n’y a pas de matériaux. Aujourd’hui, nos sommes en pâmoison devant une télé en trois dimensions, des armes sur-sophistiquées, des clés USB,etc.  Mais pour concombre des mers, si beau  et si fragile, si translucide comme entre deux mondes, probablement gélatineux , d’une construction à vous couper le souffre, nous sommes sans air. Étouffés! Du moins pour ceux qui le peuvent…

Comme dans la vie, – notre vie de tous les jours, – on s’attarde aux choses et non aux êtres. On se croit des quincailliers outillés, le torse bombé, ronflants ( malgré l’étranglement cravate), sûrs de nous. Encore, dans notre racine lourde et ligneuse, ce qui dirige le monde et le moi-  qui y est est logé-  est qu’on nous a appris à être des aveugles.

C’est le plus bel état qui sert à diriger ce monde, car les aveugles ont toujours un chien avec eux. C’est l’ombre qui suit l’aveugle. Nous, nous les élisons.

Gaëtan Pelletier

Heureusement qu’on a les enfants

Enfants  2

Heureusement qu’on a les enfants pour comprendre qu’il existe encore de l’émerveillement.
On passe des nuits à en faire… En espérant qu’ils ne seront pas des Bush, des tueurs en série, mais simplement des être heureux.
Heureusement qu’on les a pour se rappeler qu’on a déjà été enfants. Même Hitler l’a été. Ça pousse dans le ventre des mère en 9 mois. Ça apprend à manger et à marcher, puis à courir. Puis quand ils grandissent un peu et qu’on constate qu’ils sont des génies, l’adulte veut en faire des génies.  Mais l’adulte a oublié que l’enfant était déjà un génie. Si les enfants n’étaient pas pollués par le dessèchement des adultes, nous pourrions sans doute vivre dans un monde meilleur. Les adultes, en devenant adultes, ils se prennent au sérieux. Ils deviennent comme imbibés d’idées, se chamaillent à la mitraillette et à la bombe atomique.  Je me souviens de ma fille qui faisait des bulles avec de l’eau et du savon. Les bulles s’envolaient. Rondes comme des planètes translucides. Et ma fille les regardait comme la fille aux yeux ronds de la photo.
Les enfants ne font pas de mystères, ils le voient. Je me souviens d’avoir vu pousser des arbres, couler des rivières, cueillir des merises le long des rivières par des jours tellement chauds que j’en étais épuisé. Quand on est enfant, un  jour c’est long comme une vie…
Vous donnez un ballon à un enfant et il passe des heures, des jours, des mois à s’amuser. Vous vendez tout à un adulte, et au bout de deux semaines il  veut autre chose. On dirait que son ventre s’est vidé de l’enfant qu’il était.
Je me suis demandé pourquoi le monde est dirigé par des vieux crapauds ridés qui passent pour des génies. Je n’ai jamais pensé que s’entre-tuer était génial. Ou inventer une arme pour abattre les « autres » puisque pour quelqu’un je fais partie des autres.
Il y a des jours où je ne comprends rien : les enfants n’ont pas d’auto, pas de maison, pas de carrière, pas de diplôme, pas de vêtements griffés, pas d’ambition, rien… Ils rient et pleurent. On est là, parents, à essayer de les faire cesser de pleurer. Ce que je ne comprends pas des adultes, c’est qu’ils ont de la difficulté à rire et encore plus à cesser de faire pleurer les autres. J’ai compris une chose, au moins : on devrait être le parent de tout le monde et l’enfant de tout le monde.
Au fond, faire des enfants c’est facile, mais faire des adultes, c’est si difficile que personne n’a encore trouvé la bonne recette.
Gaëtan Pelletier, 2015

La transformation de l’eau ou Le génie du « vivant »

Une sélection d'images.  édition du soir (52 photos)

Buvez-en tous, car ceci est le sang des peuple et la stupidité de la classe dirigeante invisible.

gp

 

L’humanité disparaîtra. Bon débarras!

yves-paccalet-site

 

Yves Paccalet est un écrivain, philosophe, journaliste et naturaliste français, né le 15 novembre 1945 dans le hameau de Tincave (commune de Bozel), en Savoie. Collaborateur du commandant Cousteau de 1972 à 1990, il a été élu conseiller régional de Savoie en 2010 pour Europe Écologie Les Verts, mais quitte le parti en 2013 à la suite de nombreux désaccords avec l’échelon national.

Ici, des extraits de son livre “L’humanité disparaîtra, bon débarras”.


L’homo sapiens se croit tout : il n’est rien. Je l’apostrophe dans ces pages : « Tu disparaîtras, bon débarras ! » Mais son suicide me consterne, Quand je songe à mes enfants, je forme des vœux pour que le processus ne s’accélère pas trop. Je ne prédis aucun avenir radieux à l’humanité, mais je ne puis m’empêcher de lutter pour sa survie. Lorsque je dénonce le saccage des récifs et des mangroves, je ne défends pas uniquement la biodiversité des océans, mais la sécurité de mes congénères. J’écris ce livre afin que ce que j’écris dans ce livre n’arrive pas. Hélas ! cela adviendra. Je n’ai aucune influence, au reste la littérature, la philosophie, la poésie, l’art ou les idéologies n’ont jamais transformé l’homme, ni le monde.

1/5) Une planète dévastée

Je rencontre des pêcheurs. Ce sont des papous Kamoro. Naguère ces indigènes vivaient de la mer. Ils filaient dans la vague à la rame, sur leurs élégants « longs bateaux », et rapportaient au village thons, bonites, mérous et dorades. A présent, de riches marchands, surtout chinois, leur vendant (très cher) et leur achètent (trois fois rien) leur production. Les Papous ne pêchent plus pour eux, mais pour d’autres. Ils ne capturent plus en fonction de leurs besoins, mais pour un marché lointain et toujours plus avide. A peine sortis de l’âge de pierre, les voilà jetés dans le tourbillon de la mondialisation. Les précieuses protéines animales ne finissent plus dans le ventre de leurs enfants, qui souffrent de la faim, mais dans la panse des nantis, qui mangent du poisson pour maigrir tout en dissertant sur les vertus médicinales des oméga 3. Notre espèce ne survira pas aux désastres qu’elle provoque. Nous n’en avons plus pour très longtemps. Nous sommes tous des papous.

 

La mine de Grasberg en papouasie occidentale. Explotations, expulsions, meurtres et pollutions l'accompagnent...

2/5) Le problème démographique

Nous produisons des enfants. Beaucoup trop d’enfants. Chaque seconde, trois Homo sapiens tombent sur notre planète, tandis qu’un seul la quitte pour recycler ses molécules dans les boyaux des asticots en attendant le Jugement dernier ou une éventuelle réincarnation (si ça se trouve, en asticot…). Nous remplissons la planète de notre engeance. Nous tartinons le globe d’une couche de bambins, marmots, gosses, gamins ou mouflets, désormais si nombreux qu’une armée d’ogres n’en viendrait pas à bout. J’ai moi-même expérimenté la force irrésistible de la pulsion reproductrice. J’ai déposé quatre enfants (cela va plus vite en faisant des jumeaux) sur une Terre qui ne m’avait rien demandé. Du point de vue de l’écologie, j’ai conscience d’avoir commis une lamentable erreur. Les engendrer fut un non-sens, la pire imbécillité de mon existence. J’ai rajouté mes rejetons à la vague humaine. Parce que nous, Homo sapiens, sommes de plus en plus nombreux sur un vaisseau spatial aux dimensions et aux ressources limitées, nous aurons de plus en plus souvent, et avec de moins en moins de scrupules, recours à la violence.

 

Population mondiale (en milliard)

3/5) Nous somme tous des assassins

Je cherche l’humanité au fond de l’homme : je n’y vois que la moustache d’Hitler. Nous ne sommes ni le fleuron, ni l’orgueil, ni l’âme pensante de la planète: nous en incarnons la tumeur maligne. L’Homme est le cancer de la Terre. Cette formule choquera les âmes sensibles; mais peu me chaut d’offusquer les « humanistes » qui ont des yeux pour ne pas voir et un cerveau pour imaginer que Dieu les a conçus afin qu’ils passent leur éternité à chanter des cantiques au paradis ou à cuire en enfer. Parce qu’ils se veulent humanistes ou qu’ils croient au paradis, certains d’entre nous endossent le costume de saint Michel et tentent de combattre ce Lucifer de nos tréfonds. Courage ! Je crains que la victoire n’advienne ni à Pâques, ni à la Trinité, ni à l’aïd el-Kébir, ni au Têt. Être méchant va de soi : chacun en est capable. Se montrer généreux constitue une montagne à escalader. Le résultat est moins assuré que l’alpiniste: on a vu maintes belles âmes rouler dans le précipice et intégrer la cohorte des assassins. Nous sommes des salauds, je dirais même plus, nous aimons nos perfidies. Nous les justifions. Nous leur trouvons toutes les excuses possibles et impossibles, nous les rebaptisons « légitime défense », « acte de bravoure » ou choix tactique. Les capitalistes parlent de « concurrence loyale », ce qui fait rire tous ceux qui étudient les relations entre les entreprises. Voyez ces philosophes qui se haïssent en dissertant de la bonté universelle ! Regardez ces humanitaires qui se disputent l’aide aux victimes ! Examinez ces soldats de la vraie foi qui égorgent l’infidèle en psalmodiant : « Dieu est amour ! » Que cela plaise ou non, et quelles que soient les indignations du philosophe ou du moraliste, la vérité s’impose : nazis nous sommes.

4/5) La grande explication

L’éthologie nous enseigne que, comme tout être vivant, l’Homo sapiens obéit à trois pulsions principales : le sexe, le territoire et la hiérarchie. C’est au territoire et à la hiérarchie que je me  réfère expressément lorsque j’évoque notre côté nazi. Du côté du territoire et de la hiérarchie, tout est permis et même encouragé. La possession et la domination sont élevées au rang des valeurs. On les récompense par des biens matériels, un salaire, une rente, des profits. Chaque fois que nous étendons notre domaine ou que nous prenons le dessus sur quelqu’un, nous en tirons une récompense chimique en dopamine et autres molécules gouleyantes. Nous n’avons qu’une hâte : recommencer. Devenir toujours plus riches et plus puissants. Voilà pourquoi nous ne lâcherons aucun de nos avantages personnels pour sauver notre mère la Terre… Nous préférons la voir crever que de renoncer à nos privilèges. Non seulement l’homme anéantit ses semblables en braillant Lily Marlene, It’s a long way ou l’Internationale, mais il devient le bourreau de la Nature. Nous ne céderons rien (en tout cas rien d’important : les autres n’ont qu’à commencer !) pour arrêter nos saccages et nos pollutions. Le silence des oiseaux devient assourdissant, qu’il soit causé par la guerre, la dévastation mécanique ou la chimie, il préfigure celui de la vie. Quelques beaux gestes ne remplaceront pas le grand partage. Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable. Sauf que c’est impossible, parce que personne n’en veut. Le vingt et unième siècle sera belliqueux, ou je ne m’y connais pas.

5/5) La Biosphère comme valeur

On reproche aux écologistes leur catastrophisme. Ils ne sont qu’objectifs. L’humanité disparaîtra d’autant plus vite qu’elle accumule les conduites ineptes. Elle s’imagine au-dessus de la nature ; elle est dedans. Pour l’écologiste (en tant que scientifique), il n’existe aucun Dieu ou Être suprême qui fournisse une âme immatérielle et éternelle à une créature « élue ». Tous les êtres vivants appartiennent à un écosystème global (la Terre), divisé en écosystèmes locaux. Chaque individu s’inscrit dans un milieu qui lui permet de prospérer et de se reproduire. Quand je mourrai, un peu de mes nitrates imprégnera des alluvions où j’alimenterai les racines d’un nénuphar dont une abeille butinera la fleur. Je réaliserai, pour le restant de mon immortalité, le bonheur d’avoir vécu quelques années sur la Terre, dans le parfum des fleurs, en caressant les miens, sous l’œil énigmatique des étoiles.


Article initialement publié sur le site biosphere.ouvaton.org, à l’adresse suivante:
http://biosphere.ouvaton.org/de-2005-a-2008/519-2006-lhumanite-disparaitra-bon-debarras-dyves-paccalet

Souffles

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Il est des soirs, comme ça, ou je serais les mots de ta bouche. Avec des mains qui pousseraient dans la terre des désirs. Et rien d’autre… Comme on enfile un gant, comme s’enfilent les amours… Et pourquoi pas?

Que les âmes se soudent. Que les âmes prennent la chair pour en faire une reliure, une phrase dans l’immensité du temps.

Alors, de temps en temps, je te saisis comme les abeilles dévorent le nectar des fleurs.

Les deux frissons s’en vont en aventure de la chaleur. Et tout s’éteint alentour… Les yeux se ferment comme des toiles de fenêtres à la peur de la mort. Et tes soupirs sont remplis de fleurs, d’exhalaisons de premiers souffles. Et nous vivons… Nous n’en savons les minutes.

Aimer, c’est prier à deux que la vie ne soit pas un mystère qui s’éteigne…

Gaëtan Pelletier

Retombées économiques

Quand les amérindiens, au 16e siècle virent les « blancs » surgir de partout, ils se frottèrent les mains: « Enfin! Des retombées économiques.
Au bord d’une rivière, un castor leva la tête pour regarder ces intrus, un blanc le regarda et eut l’idée d’en faire un chapeau.

Quand nous apprîmes, dans notre village, que les retombées économiques pouvaient constituer une richesse, chacun se mit à la tâche. Sur la rue Rochette, il y avait un antiquaire qui vendait des merveilles de bois usés comme le jean de Mélissa qui, déchiré, constituait un art d’être à la mode. Avant d’en venir au propos principal, je me suis dit que les vieux du village s’usaient les genoux sur les bancs de l’église pour que Jésus arrose les jardins, les terres, et bouffir les pommes de terres aussi grosses que les américaines burgertées jusqu’aux cuisses. Bref, pour alléger le fardeau de la vie, la mode avait rendu la tâche plus aisée de l’usure. De l’usure corporelle, elle avait passé à l’usure du tissus.

C’est ainsi que lors d’une assemblée du comité local de développement économique, il fut décidé de dépenser sur place pour créer de la richesse. Tout le monde devint un magasin à ciel ouvert: Vente de garage.

Le vendredi 13 mai, l’opération fut lancée. Les habitants de la rue Rochette allèrent acheter les fonds de garage de la rue Gagnon. Les habitants de la rue Blondeau, eux, se dirigèrent vers la rue Varin.  Ce jour-là, 4,203.25 $ furent dépensés dans le village. Un véritable jus de richesse: nous jubilions. L’opération se poursuivit le dimanche, sous un ciel bleu, alors que Jésus avait cessé d’arroser, une foultitude d’endimanchés parcourut les rues pour activer les commerce. Les habitants de la rue Rondeau, ceux qui faisaient partie d’un quartier nantis, se mirent à vendre leurs meubles cossus pour s’en procurer de nouveau à la ville voisine. Hélas! les moins nantis de la rue Beaulieu ignoraient la manœuvre des riches qui jouaient le jeu en trichant.

Peureux, douteux, bleu, je n’achetai qu’une vieille tasse d’un resto ayant fait faillite à cause la mondialisation. 50 cents. J’avais beau avoir un penchant pour la nostalgie, -même jusqu’à larmer de temps en temps, le blues jusqu’aux doigts de pied, – j’étais, il faut le dire, radin. Cette chère colonne du débile et du crédit me taraudait. Et en me grattant la tempe,  ma femme me demanda si un maringouin ne tentait pas de me vider le cerveau de mon sang,  asséchant ma matière grise.

Mais bon! Si c’est le maire qui le dit que ça va marcher…

On y croît…

Bien que les pauvres de la rue Pilon, des travailleurs de chantier et de la construction, en fait, trois familles de 10 enfants, avaient lu le pamphlet du maire contenant des recette économiques, chiffres à l’appui, se virent appauvrit et décidèrent de faire une marche avec pancartes. Le maire acheta toutes les pancarte pour montrer qu’on peut s’enrichir rien qu’en se lamentant sur papier. Et il décida qu’on en ferai un événement. La famille Larue, les yeux grands comme une roue de tracteur, fêtèrent leurs avoirs nouveaux dans une grand fête. Le vin fut acheté sur la rue Octave qui eux également festivitèrent pendant une nuit.

L’hiver arriva, comme un Stalingrad franco-canado-américano-local. Les venderies furent étouffées sous un amas de neige.

À la fin de l’exercice, c’est-à-dire au mois de de mai suivant, le maire et son équipe traça un bilan de l’opération. Ils jubilaient. On avait échangé pour 323,298$ de biens.

On investit alors cet argent – par le biais de l’administration du village – en engageant des spécialistes des retombées économiques. Salaire: 67,000$ par an.

Les pauvres de la rue Pilon, encore plus pauvres, ne saisirent pas les propos du maire et de son équipe. Le maire leur leur versa un droit d’auteurs sur leurs  pancartes de l’année précédente. Ils repartirent heureux…

Gaëtan Pelletier

heureux comme un poison dans l’eau

 

Un jour tu verras