Archives de Tag: POÉSIE

Le voyage du cercueil

 

Le monde a semé des luminures 
Des joyaux piégés, des devantures 
Les Seigneurs à dollars, laminés d’or 
Poursuivent la crasse camouflée de dorures, dort 
 
Mon frère, dort, dans la peur de la Vie plus que de la mort 
Et pendant qu’ils frivolent, volent et volent
 Sous tes pieds les sols  
Ils sèment des déserts de poison, et dans l’aride territoire 
Le corps acéré, maigre  en lame de rasoir 
 
 
On entend d’ici, le rouge des printemps 
Les giclures pourpres des sangs 
Les enfants labourés ont leurs pieds attachés 
À nos écrans pourprés 
 
Les machines délirantes crachaillent leurs feux, carburent 
Aux discours insidieux des faux dieux 
Et la chamaille te larme! 
Et tes cris son ceux des enfants! 
Tu hurles, tu râles, en attendant 
De nouvelles armes…
 
La Terre est ta maison, et la maison t’enterre 
Tel un rond, fourbe, et lent cimetière 
Les esclaves acolores quittent leur village 
Pour engrosser l’avoir de ces fallacieux sages 
 
On te dit « main-d’oeuvre », déplacé, dépaysé 
Le doigt et l’âme dans l’engrenage 
Le cachot est virtuel, et les négriers cuivrés 
On t’a monté un beau bateau, petit nègre de mirages! 
 
La vanité aura creusé dans l’Univers 
Un cercueil: La terre 
Sous les combustions allongées 
Des cendres virevoussantes dans une urne givrée
 
 
 
 
 

Gaëtan Pelletier 

18 août 2013 

 

Hiver

Il pleut des frissons blancs
Le ciel se couche d’un matelas
La pluie s’est endormie
Dans ses cristaux figés
Sous les réverbères s’agitant
D’un  ballet, un chœur de givrures
Comme dans nos rêves d’enfants

Le vent chante et vrille  sa musique
À l’instrument d’un hibou invisible
La gifle et la claque
Bat de branches
Bat la cadence
Tout craque, tout craque

L’hiver est une église
Aux vitraux de gelures frisées
Les âmes s’abritent un peu
Elles se recueillent dans le glacé
Suspendues, aux maisons enfermées
Un temps pour les murmures
Un temps pour les silences
La musique des étés
Souvent elles  attendent
Il pleut des frissons blancs
Comme la beauté des âmes des enfants
La pluie s’est endormie
Et nous aussi…

Gaëtan Pelletier 9 janvier 2012

Le moment donné

 
Je suis un athée fidèle 
Au seul dieu que je vois 
Les couleurs sont tous les matins 
Tel un parler à l’oeil 
 
Nul ne sait! Nul ne sait! 
 
Les soirs arrosés d’étoiles 
Sont mes larmes! Sont mes larmes!
Et les armes, et les armes enfantées 
Me pleurent, et nous tuent 
Nul ne sait! Nul ne sait ! 
 
Le matin perle sur l’herbe à boire 
Comme un sein caché tout au fond de la nuit 
 
Qui donc sait? Qui donc sait? 
 
Nous ne sommes qu’un Do, un Ré 
Dans toutes les musiques du monde 
Dans toutes les douleurs de l’immonde 
L’oeil est une lueur sur le clavier de l’humain déchiré 
 
Qui donc voit? Qui donc voit? 
Ô combien inutile de s’entre tuer! 
Puisque tout le monde meure à un moment donné
 
La Vie, comme un moment donné
Tout en émerveilleures 
L’émerveilleure décimée du diable 
La cachette insonore, tout en voiles et en voiles 
 
Qui sait la fin? Qui sait le commencement? 
 
La chair est un tout petit bateau brisé 
Par ceux qui veulent tous les océans 
 
Et qui sait? Qui donc sait? 
S’ils ne sont pas nés de toutes  des larmes salines d’antan? 
 
Gaëtan Pelletier 
22 août 2013 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Mystère

 
Qui  sait si c’est une  rivière
Car on ne sait si c’est l’eau
Au tourbillon des torrents
Que comprend la goutte,  de l’eau?  
 
 
Tout a l’air de ces beaux dimanches  
L’Univers  s’est joliment paré
D’une cape d’un dieu, à la messe de la beauté
Il a brodé sa voilure  de froids et chauds coloris
Laissant valser les glaces  d’une étoffe épaissie
 
Mystère! Mystère!
 
 
J’ai des yeux en rodeurs de  planètes
Un murmure  d’âme codée dans  mon corps
Des passions arbalètes, qui volent  encore
En attendant, en attendant le sommeil d’or
 
 
Mystère! Mystère!
 
J’ai le regard d’un œil chapelet
Qui épelle ses points d’interrogations
Et je reste muet
Et muet, je reste…
 
 
 
Gaëtan Pelletier
Mars 2008 

Les battements d’elle

le meesage du vent

Eliora Bousquet: Le message du vent 

Mon amour a des yeux d’aurores boréales
Pétillant et valsant aux couleurs des bals
Elle a des dieux cachés en ses mains et sa voix
Des dieux papillons aux envols sans lois

Mon amour a buté du temps la coulure
En a pris les ruisseaux, saisi les torrents
Volé des poignées de parfums aux fleurs des champs
Tricoté tous les bruits en une couette de murmures

Et ce soir c’est l’automne, et demain sera gel
Les arbres ont tous pris la parlure du vent
Ils ne parlent que de frissons, ils ne parlent que d’elle

La lumière a fait ses bagages pour l’hôtel de la nuit
On s’endormira langés de paupières, comme hier
Dans nos bras cousus, bien avant cette vie

Gaëtan Pelletier

La maison


C’était une maison de mille montres
Une maison de mille horloges

C’était une maison toute illuminée
Et les yeux étaient comme des fenêtres…

C’était une maison qui pouvait danser
On y entendait des airs intérieurs…
De l’extérieur…

C’était une maison qui pleurait
Et de ses fenêtres coulaient
La pluie…

C’était comme un grand sablier rose
De sable habité
Qui coulait parfois en jours moroses

C’était la maison d’un seul invité…
L’âme…

C’était un corps…
Qui est encore…
Et qui s’en ira
Quand s’en iront
Toutes les roses horloges
Qui le font, le logent….

Gaëtan Pelletier

Carottes

 

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Photo: Pixabay

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Quand j’étais enfant, je prenais des bains de lumière : le matin, l’après-midi, et le soir en flirtant avec les étoiles. Je les regardais sans qu’un seul point d’interrogation ne me pousse dans la tête. J’étais vierge comme une feuille d’imprimante. Et je délogeais toutes les saveurs de la vie cachée sans en vouloir comprendre le sens. J’étais la vie. Et l’autre qui se présentait était en moi et moi en elle. Tel que nous le sommes tous, sans le savoir, trop noyés de points d’interrogation. Les oiseaux étaient des violons volants qui passaient portés par des airs que l’on respire tant qu’on peut s’en nourrir pour une vie.

Qui donc a coupé ce cordon si beau et mystérieux?

La féerie, jamais ne dormait. Juste avant que n’arrive les cloisons empoisonnantes. Les arbres se sont transformés et on aurait dit qu’un hiver était entré en moi. Un hiver sans feuilles. Alors, j’écrivis pour refaire les feuilles, tout en gelures du savoir être perdu. Ce n’était plus douceurs, mais frémissements de peur. Le savoir des Hommes n’étaient que trop souvent légendes dans lesquelles ils s’embourbaient. J’ai appris le grand cimetière des guerres  et l’emmêlure des os sur lesquels je dansais.

C’est le printemps. Et voilà les pousses si tièdes qui sortent, étouffées d’avoir dormi sous la terre glacée. Et je retourne semer ce qui s’est perdu. Entre terre et ciel, de par le soleil qui se fait grand ami, l’enfance revient un peu. Il me reste quelques points d’interrogation. Quelques uns. Je me demande pourquoi les hommes ne plantent-ils pas des pois et des carottes, du navet ? Pourquoi dorment-ils dans des chalets de cinquante étages rêvant au petit jardin qui les attend, au loin, dans la campagne?

J’ai à peine l’œil pour voir la graine de la carotte. Peu importe. J’en échappe sept ou huit. Alors il en poussera. J’ai appris à faire confiance en ce que je ne vois pas. Et j’arrose l’invisible.

    Gaëtan Pelletier, 18 mai 2020

Reproduction interdite

Zida du bout du monde

Statue De La Liberté, Statue, Liberté

On l’a tué d’un coup de papier
L’immigrant
L’ignoré
À peau sombre venue d’un pays
Où les guerres l’avaient déjà tué

Au royaume de la paperasse
Des gens biens habillés
Ne voient plus les yeux qui passent
Dans une formule gazée
«Avez-vous vos papiers?… »

Nul ne sait ce qu’il fait
Nul ne sait dans ces pays
Où les gens bien assis
Sur leur cœur de papier
La besogne est d’argent
Au pays où roule l’or
Des Organisés, tous rassis

Au pays du travail divisé
Zida la noire s’en était allée
Amoureuse d’un arabe
Sans couleur que la lumière :
L’amour les avait soudés

Puis un soir, en marchant
Leurs mains furent déliées
Par deux policiers armés
De haine et de temps

Liberté ! Liberté!
Criait la statue, bras levé

Mais son amant disparut
Dans une cellule invisible
Quelque part, sans pays
Qu’un mur indicible
De briques risibles

Les amants furent séparés
Comme les deux tours
L’un se perdit dans la jungle de papiers
Corps enfermé , mort à l’âme

Zida resta, emmurée
Dans la douleur de son amour
Au pays d’un bras levé
Liberté! Liberté!

Gaëtan Pelletier

La musique invisible

 

La nuit est une noire
Le jour est une blanche
Et chacun joue de son instrument
Avant, pour comprendre le souffle perdu
De l’après…
 
Entre
Temps
 
Le charme des fleurs sont des aiguilles parfumées, qui meurent et qui meurent trop vite pour  en comprendre la beauté.
Les fleurs font peur.
La beauté arrivée, aussitôt nous quitte, et nous voilà alarmés.
 
La blanche est dans le ciel, sans portée. En nuées flottantes, en colères d’éclairs et de tonnerres. La vie a une odeur de pluie pendant que la tristesse est la vallée de la joie.
 
La nuit est une noire
Le jour est une blanche
 
Vous êtes un jazz ou une mélopée.
Une chanson d’amour.
 
Je suis en adoration devant le sifflement du vent qui fouette les feuilles, les clapotis des notes imprévisibles sur les toits, et les pleurs des maisons qui coulent aux yeux des gouttières.
 
La nuit est une noire
Le jour est une blanche
 
Il faut des yeux d’aveugles pour voir, et des sourds pour entendre des yeux.
La nature est un livre en braille, un livre en pleurs, un livre à la joie…
Hymnotisant!
 
 
 
 
 
 
La flûte enchantée, Mozart. On dirait un sourire et quatre yeux… 
 
Gaëtan Pelletier
03 septembre 2012

Courtepointe

Il nous faudrait des yeux
Plus grands que nos corps
Des yeux creux jusqu’à l’âme
Des yeux pour pouvant sourdre 
L’aveugle indifférence

Il nous faudrait tricoter
Des bas de laine jusqu’aux peines
Les souffrances des autres
Au froid qui nous enterre
Sous nos avoirs si fiers 

Il nous faudrait une prière
Sans mots que les regards
Sans cérémonie, sans déni
Sans dieux préfabriqués 
Un monde empli de chaleur
Un frisson de lumière
Une parlure d’éclair: 
 
«Je suis celui qui suis»
«Tu es celui qui est»

Et notre monde serait de paix
Maillé à  l’endroit et l’envers
À toutes les couleurs, cousues
Dans une doublure d’amours 

Gaëtan Pelletier
5 janvier 2009