Archives mensuelles : juillet 2012

Le rêve s’achève …

Au bout de l’imagination :
Et pendant qu’une population anesthésiée va d’élections au football au tennis au cyclisme aux Jo en tentant d’oublier sa situation financière/alimentaire/physique/mentale avec les jeux du cirque nationalistes savamment mis en relief par différentes factions qui essayent de tirer un dernier profit des troubles financiers / géophysiques / militaires / économiques  en espérant être bien positionné pour la suite qu’ils croient contrôler /cacher…

 

Et pendant qu’un pourcentage infime qui sont avertis mais préfèrent alimenter la division/leur ego dont ils se pensent extraits nous alimentent d’articles de peur, de conspirations bidons, d’attentats décryptés par des sources boueuses , de false flag  , de spéculations et d’achats de métaux précieux tout en bordant chaque paragraphe avec des références enguirlandées  de prophéties , de religion, et de leur chemin spirituel si lumineux …

Et pendant que tout ce monde là s’absorbe dans leur micro-bulle à se demander si le Rêve tire à sa fin parce que finalement l’occident est touché , les 3/4 de la planète vit déjà sa propre faim/fin du monde depuis des années sans que personne ne la qualifie d’apocalypse  …

Chacun ses filtres, chacun ses voiles , donc chacun ses perceptions, chacun ses couleurs, donc chacun son organisation, son système, ses croyances, sa société, ses béquilles, et sa perception des choses, souvent entretenues sans qu’on se pose de questions sur le pourquoi, tout cela créant le bagage et les valises des conditionnements traînées façonnant ce que nous sommes collectivement …conditionné et conditionnant … une vraie cage …

Le Cosmos lui poursuit son cycle céleste et le sablier mécaniquement s’écoule, dans une perception élargie, universelle, intemporelle …vague lumineuse qui résonne en nous, que nous l’ignorions ou pas , qu’on l’entende ou pas, que nous acceptions le changement ou pas … le vent qui courbe doucement la tête de la forêt environnante me souffle qu’il  ne va pas tarder à nous envoyer un rappel  sur comment nous positionner en dehors du sujet et de l’objet …

OSWALD SPENGLER ET L’ÂGE DES « CÉSARS »

Fonctionnaires globaux, négociants libre-échangistes, milliardaires : les questions essentielles posées par Spengler et ses sombres prophéties sont d’une étonnante actualité.

« Nous ne vivons pas une époque où il y a lieu de s’enthousiasmer ou de triompher (…). Des fanatiques exagèrent des idées justes au point de procéder à la propre annulation de celles-ci. Ce qui promettait grandeur au départ, se termine en tragédie ou en comédie ».

Il y a 75 ans, le 8 mai 1936, Oswald Spengler, philosophe des cultures et esprit universel, est mort. Si l’on lit aujourd’hui les pronostics qu’il a formulés en 1918 pour la fin du 20ème siècle, on est frappé de découvrir ce que ce penseur isolé a entrevu, seul, dans son cabinet d’études, alors que le siècle venait à peine de commencer et que l’Allemagne était encore un sujet souverain sur l’échiquier mondial et dans l’histoire vivante, qui était en train de se faire.

L’épopée monumentale de Spengler, son « Déclin de l’Occident », dont le premier volume était paru en 1918, a fait d’emblée de ce savant isolé et sans chaire une célébrité internationale. Malgré le titre du livre, qui est clair mais peut aisément induire en erreur, Spengler ne se préoccupait pas seulement du déclin de l’Occident. Plus précisément, il analysait les dernières étapes de la civilisation occidentale et réfléchissait à son « accomplissement »; selon lui, cet « accomplissement » aurait lieu dans le futur. C’est pourquoi il a développé une théorie grandiose sur le devenir de la culture, de l’histoire, de l’art et des sciences.

Pour élaborer cette théorie, il rompt avec le schéma classique qui divise le temps historique entre une antiquité, un moyen âge et des temps modernes et veut inaugurer rien moins qu’une « révolution copernicienne » dans les sciences historiques. Les cultures, pour Spengler, sont des organismes supra-personnels, nés d’idées matricielles et primordiales (« Urideen ») auxquelles ils demeurent fidèles dans toutes leurs formes et expressions, que ce soit en art, en diplomatie, en politique ou en économie. Mais lorsque le temps de ces organismes est révolu, ceux-ci se figent, se rigidifient et tombent en déliquescence.

Sur le plan de sa conception de la science, Spengler se réclame de Goethe : « Une forme forgée/façonnée  geprägt »), qui se développe en vivant » (« Geprägte Form, die lebend sich entwickelt »). Dans le germe d’une plante se trouve déjà tout le devenir ultérieur de cette plante : selon la même analogie, l’« Uridee » (l’idée matricielle et primordiale) de la culture occidentale a émergé il y a mille ans en Europe; celle de la culture antique, il y a environ trois mille ans dans l’espace méditerranéen. Toutes les cultures ont un passé ancien, primordial, qui est villageois et religieux, puis elle développent l’équivalent de notre gothique, de notre renaissance, de notre baroque et de nos époques tardives et (hyper)-urbanisées; ces dernières époques, Spengler les qualifie de « civilisation ». Le symbole originel («Ursymbol ») de la culture occidentale est pour Spengler la dynamique illimitée des forces, des puissances et de l’espace, comme on le perçoit dans les cathédrales gothiques, dans le calcul différentiel, dans l’imprimerie, dans les symphonies de Beethoven, dans les armes capables de frapper loin et dans les explorations et conquêtes des Vikings. La culture chinoise a, elle aussi, construit des navires capables d’affronter la haute mer ainsi que la poudre à canon, mais elle avait une autre « âme ». L’idée matricielle et primordiale de la Chine, c’est pour Spengler, le «sentier » (« der Pfad »). Jamais la culture chinoise n’a imaginé de conquérir la planète.

Dans toutes les cultures, on trouve la juxtaposition d’une volonté de puissance et d’un espace spirituel et religieux, qui se repère d’abord dans l’opposition entre aristocratie et hiérocratie (entre la classe aristocratique et les prêtres), ensuite dans l’opposition politique/économie ou celle qu’il y a entre philosophie et sciences. Et, en fin de compte, au moment où elles atteignent leur point d’accomplissement, les civilisations sombrent dans ce que Spengler appelle la « Spätzeit », l’« ère tardive », où règne une « seconde religiosité » (« eine zweite Religiosität »). Les masses sortent alors du flux de l’histoire et se vautrent dans le cycle répétitif et éternel de la nature : elles ne mènent plus qu’une existence simple.

La « Spätzeit » des masses scelle aussi la fin de la démocratie, elle-même phase tardive dans toutes les cultures. C’est à ce moment-là que commence l’ère du césarisme. Il n’y a alors « plus de problèmes politiques. On se débrouille avec les situations et les pouvoirs qui sont en place (…). Déjà au temps de César les strates convenables et honnêtes de la population ne se préoccupaient plus des élections. (…) A la place des armées permanentes, on a vu apparaître progressivement des armées de métier (…). A la place des millions, on a à nouveau eu affaire aux « centaines de milliers » (…) ». Pourtant, Spengler est très éloigné de toute position déterministe : «A la surface des événements mondiaux règne toutefois l’imprévu (…). Personne n’avait pu envisager l’émergence de Mohammed et le déferlement de l’islam et personne n’avait prévu, à la chute de Robespierre, l’avènement de Napoléon ».

La guerre dans la phase finale de la civilisation occidentale

La vie d’Oswald Spengler peut se raconter en peu de mots : né en 1880 à Blankenburg dans le Harz, il a eu une enfance malheureuse; le mariage de ses parents n’avait pas été un mariage heureux: il n’a généré que problèmes; trop de femmes difficiles dans une famille où il était le seul garçon; il a fréquenté les «Fondations Francke » à Halle; il n’avait pas d’amis : il lisait, il méditait, il élaborait ses visions. Il était loin du monde. Ses études couvrent un vaste champs d’investigation: il voulait devenir professeur et a abordé la physique, les sciences de la nature, la philosophie, l’histoire… Et était aussi un autodidacte accompli. « Il n’y avait aucune personnalité à laquelle je pouvais me référer ». Il ne fréquentait que rarement les salles de conférence ou de cours. Il a abandonné la carrière d’enseignant dès qu’un héritage lui a permis de mener une existence indépendante et modeste. Il n’eut que de très rares amis et levait de temps à autre une fille dans la rue. On ne s’étonnera dès lors pas que Spengler ait choisi comme deuxième mentor, après Goethe, ce célibataire ultra-sensible que fut Friedrich Nietzsche. Celui-ci exercera une profonde influence sur l’auteur du « Déclin de l’Occident » : « De Goethe , j’ai repris la méthode; de Nietzsche, les questions ».

L’influence politique de Spengler ne s’est déployée que sur peu d’années. Dans «Preussentum und Sozialismus » (« Prussianité et socialisme »), un livre paru en 1919, il esquisse la différence qui existe entre l’esprit allemand et l’esprit anglais, une différence qui s’avère fondamentale pour comprendre la « phase tardive » du monde occidental. Pour Spengler, il faut le rappeler, les cultures n’ont rien d’homogène : partout, en leur sein, on repère une dialectique entre forces et contre-forces, lequelles sont toujours suscitées par la volonté de puissance que manifeste toute forme de vie. Pour Spengler, ce qui est spécifiquement allemand, ou prussien, ce sont les idées de communauté, de devoir et de solidarité, assorties du primat du politique; ces idées ont été façonnées, au fil du temps, par les Chevaliers de l’Ordre Teutonique, qui colonisèrent l’espace prussien au Moyen-Âge. Ce qui est spécifiquement anglais, c’est le primat de la richesse matérielle, c’est la liberté de rafler du butin et c’est l’idéal du Non-Etat, inspiré par les Vikings et les pirates de la Manche.

« C’est ainsi que s’opposent aujourd’hui deux grands principes économiques : le Viking a donné à terme le libre-échangiste; le Chevalier teutonique a donné le fonctionnaire administratif. Il n’y a pas de réconciliation possible entre ces deux attitudes et toutes deux ne reconnaissent aucune limite à leur volonté, elles ne croiront avoir atteint leur but que lorsque le monde entier sera soumis à leur idée; il y aura donc la guerre jusqu’à ce que l’une de ces deux idées aura totalement vaincu ». Cette opposition irréconciliable implique de poser la question décisive : laquelle de ces deux idées dominera la phase finale de la civilisation occidentale ? « L’économie planétaire prendra-t-elle la forme d’une exploitation générale et totale de la planète ou impliquera-t-elle l’organisation totale du monde ? Les Césars de cet imperium futur seront-ils des milliardaires ou des fonctionnaires globaux ? (…) la population du monde sera-t-elle l’objet de la politique de trusts ou l’objet de la politique d’hommes, tels qu’ils sont évoqués à la fin du second Faust de Goethe ? ».

Lorsque, armés du savoir dont nous disposons aujourd’hui, nous jetons un regard rétrospectif sur ces questions soulevées jadis par Spengler, lorsque nous constatons que les lobbies imposent des lois, pour qu’elles servent leurs propres intérêts économiques, lorsque nous voyons les hommes politiques entrer au service de consortiums, lorsque des fonds quelconques, de pension ou de logement, avides comme des sauterelles affamées, ruinent des pans entiers de l’industrie, lorsque nous constatons que le patrimoine génétique se voit désormais privatisé et, enfin, lorsque toutes les initiatives publiques se réduisent comme peau de chagrin, les questions posées par Spengler regagnent une formidable pertinence et accusent une cruelle actualité. En effet, les nouveaux dominateurs du monde sont des milliardaires et les hommes politiques ne sont plus que des pions ou des figures marginalisées.

Spengler a rejeté les propositions de Goebbels

Spengler espérait que le Reich allemand allait retrouver sa vigueur et sa fonction, comme l’atteste son écrit de 1924, « Neubau des Deutschen Reiches » (« Pour une reconstruction du Reich allemand »). Dans cet écrit, il exprimait son désir de voir « la partie la plus valable du monde allemand des travailleurs s’unir aux meilleurs porteurs du sentiment d’Etat vieux-prussien (…) pour réaliser ensemble une démocratisation au sens prussien du terme, en soudant leurs efforts communs par une adhésion déterminée au sentiment du devoir ». Spengler utilise souvent le terme « Rasse » (« race ») dans cet écrit. Mais ce terme, chez lui, signifie « mode de comportement avéré, qui va de soi sans remise en question aucune »; en fait, c’est ce que nous appelerions aujourd’hui une « culture d’organisation » («Organisationskultur »). Spengler rejetait nettement la théorie folciste (« völkisch ») de la race. Lorsqu’il parlait de « race », il entendait « la race que l’on possédait, et non pas la race à laquelle on appartient. La première relève de l’éthique, la seconde de la zoologie ».

A la fin des années 20, Spengler se retire du monde et adopte la vie du savant sans chaire. Il ne reprendra la parole qu’en 1933, en publiant « Jahre der Entscheidung » («Années décisives »). En quelques mois, le livre atteint les ventes exceptionnelles de 160.000 exemplaires. On le considère à juste titre comme le manifeste de la résistance conservatrice.

Spengler lance un avertissement : « Nous ne vivons pas une époque où il y a lieu de s’enthousiasmer ou de triompher (…). Des fanatiques exagèrent des idées justes au point de procéder à la propre annulation de celles-ci. Ce qui promettait grandeur au départ, se termine en tragédie ou en comédie ». Goebbels a demandé à Spengler de collaborer à ses publications : il refuse. Il s’enfonce dans la solitude. Il avait déjà conçu un second volume aux « Années décisives » mais il ne le couche pas sur le papier car, dit-il, « je n’écris pas pour me faire interdire ».

Au début du 21ème siècle, l’esprit viking semble avoir définitivement triompher de l’esprit d’ordre. Le monde entier et ses patrimoines culturels sont de plus en plus considérés comme des propriétés privées. La conscience du devoir, la conscience d’appartenir à une histoire, les multiples formes de loyauté, le sens de la communauté, le sentiment d’appartenir à un Etat sont houspillés hors des coeurs et des esprits au bénéfice d’une liberté que l’on pose comme sans limites, comme dépourvue d’histoire et uniquement vouée à la jouissance. La politique est devenue une marchandise que l’on achète. Le savoir de l’humanité est entreposé sur le site «Google », qui s’en est généralement emparé de manière illégitime; la conquête de l’espace n’est plus qu’un amusement privé.

Mais : « Le temps n’autorise pas qu’on le retourne; il n’y aurait d’ailleurs aucune sagesse dans un quelconque retournement du temps comme il n’y a pas de renoncement qui serait indice d’intelligence. Nous sommes nés à cette époque-ci et nous devons courageusement emprunter le chemin qui nous a été tracé (…). Il faut se maintenir, tenir bon, comme ce soldat romain, dont on a retrouvé les ossements devant une porte de Pompéi; cet homme est mort, parce qu’au moment de l’éruption du Vésuve, on n’a pas pensé à le relever. Ça, c’est de la grandeur. Cette fin honnête est la seule chose qu’on ne peut pas retirer à un homme ».

Et nous ? Nous qui croyons à l’Etat et au sens de la communauté, nous qui sentons au-dessus de nous la présence d’un ciel étoilé et au-dedans de nous la présence de la loi morale, nous qui aimons les symphonies de Beethoven et les paysages de Caspar David Friedrich, va-t-on nous octroyer une fin digne ? On peut le supposer. S’il doit en être ainsi, qu’il en soit ainsi.

Max Otte

Max Otte est professeur d’économie (économie de l’entreprise) à Worms en Allemagne. Dans son ouvrage « Der Crash kommt » (« Le crash arrive »), il a annoncé très exactement, dès 2006, l’éclatement de la crise financière qui nous a frappés en 2008 et dont les conséquences sont loin d’avoir été éliminées.

Article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°19/2011

Source

« SALAM GAZA » ou l’aguerrissement d’un poète

Fethi GHARBI

Deux mois après le massacre perpétré à Gaza par l’armée sioniste, Tahar Bekri, avec ses poèmes en bandoulière, s’engage sur les chemins escarpés de la Terre Sainte. Invité à Ramallah, Naplouse, Jérusalem-Est et Bir Zeit pour un cycle de lectures,. le poète réalise à quel point les mots sont dérisoires et impuissants face à la dure réalité du vécu en Palestine occupée. Une dialectique s’opère alors et la poésie détrônée se laisse transcender par l’expressivité des êtres et des choses et s’imprègne, muette, de l’éloquence de leur souffrance.

Maniant admirablement cette langue de Molière devenue outil d’asservissement colonial et instrument d’acculturation d’un Magreb profondément arabophone et berbère, des écrivains comme Kateb Yacine ou Rachid Boujedra s’en sont emparé comme d’une arme,  » un butin de guerre  » dira l’auteur de Nedjma (correction apportée 26/6/10 – NdA). Mais notre poète, lui, semble transcender tout clivage et toute contingence, scrutant l’horizon à travers un humanisme inébranlable dans sa quête d’un idéal du beau et du bien.

Oui, Tahar Bekri continue à croire à l’universalité des valeurs de liberté, de justice et de fraternité. C’est à la lumière de celles-ci que le poète interpelle le monde sans forcer le dire, sans crier sa douleur :

« …l’importance d’une parole ne réside pas dans la puissance de son cri mais dans la hauteur du silence qu’elle impose… »

Pour Bekri, la poésie est « un devoir de beauté » contre toutes les formes de laideurs, sa vocation ne peut être qu’universelle :

« …Mon toit est l’univers, mon sol est la terre, ma porte est ouverte sur le large pour accueillir l’humanité entière…« .

« SALAM GAZA » (1), journal de voyage, d’un voyage initiatique, au travers d’une terre blessée. On est entraîné dans les méandres subtils d’un récit digressif C’est comme si les êtres et les pierres invitaient le poète à les accompagner dans l’intimité de leur mémoire. Voilà que renaissent de leurs cendres des êtres que rappelle vainement à la vie l’amertume du présent :

« …Albert Einstein doit se retourner dans sa tombe, lui qui rappelait, avec d’autres intellectuels juifs, dont la philosophe Hannah Arendt, dans une lettre adressée le 2 décembre 1948 au New York Times, les massacres de Deir Yassine… »

A Ramallah, au sommet d’une colline surplombant la ville, peut être pour fuir son vacarme, peut être aussi pour échapper aux souillure de l’occupant, gît un autre poète

« …L’herbe est verte, le jeune olivier, planté récemment, résiste au vent léger. le soleil est tendre. Le poète repose ici. Ses mots emplissent le lieu (…) Dors en paix Mahmoud, parmi les arbres que tu aimais tant. Tu es chez toi. Tu aurais aimé être enterré en Galilée, peut être… »

Et le poète ému , s’adressant à la tombe de Mahmoud Darwich

Tu disais à la pierre inconsolée
« Sur cette terre
Maîtresse de la terre
Il y a ce qui mérite la vie »
Le sapin sourd à la prière
Le thym reclus aux frontières de l’oubli
Combien de murs
Combien de fils barbelés
Faut-il détruire pour confier à la colline
Ceux qui confisquent les oliviers
Séquestrent la lumière
Sombrent dans la cécité du cimetière

La pierre millénaire semble elle aussi interpeller le poète

« …Naplouse est une ville à la mémoire haute, construite par les Cananéens il y a plus de quatre mille ans. le pays de Canaan est le nom biblique de la Palestine et de la Phénicie réunies… »

Un défilement tourbillonnant de réminiscences ballottent le narrateur dans tous les sens. Mais pris dans le tumulte oppressant du quotidien, dans cette Cisjordanie écartelée, cet autre camp de concentration que les malheurs de Gaza font un peu oublier, le poète se trouve confronté à l’aigreur du présent : Check Point, monnaie israélienne, immatriculations israéliennes, panneaux en hébreu, population quadrillée, humiliée, écrasée sous la botte de la soldatesque sioniste…

Un jour, il se retrouve dans le camp de réfugies de Balata à Naplouse, des réfugiés palestiniens sur leur propre terre s’étonne-t-il ! Le chant triste et nostalgique d’une chorale de petites filles a fini par avoir raison de ses nerfs :

« …Je suis là à écouter ces voix d’anges. Je me penche légèrement pour cacher une larme au fond de l’oeil. Mes larmes coulent plus fortes que moi. Je me lève confus et trop ému pour m’excuser. je sors de la pièce sous le regard troublé de mes hôtes, un besoin de crier au ciel : Pourquoi es-tu si sourd ?… »

Oui, on ne sort jamais tout à fait indemne d’un parcours initiatique. Ébranlé mais aguerri, notre poète continue malgré tout à croire…

De retour à Paris, il retrouve en bas de son immeuble, tels qu’il les a laissés, ses deux frères dans l’exil, pliant sous le poids du destin mais refusant farouchement de céder…est-ce une prémonition, un signe d’espoir ?…

« …La neige tombe abondamment sur Paris. Difficile d’aller me promener par ce froid sans craindre de glisser et de faire une chute. Le palmier et l’olivier devant moi sont toujours là mais alourdis et courbés sous le poids des flocons. Palmes fragiles, feuilles délicates. Pourquoi suis-je si attaché à la vue de ces deux arbres ? Me consolent-ils de paysages perdus depuis longtemps ?… »

Fethi GHARBI

1) http://www.elyzad.com/index.php?option=com_content&view=…

Futures pandémies tant attendues: voici leur plan démentiel

 

Le 11 juillet dernier, le site Huffington Postpubliait une dépêche hallucinante de l’agence Reuters, une agence dont l’indépendance est bien sûr très loin d’être garantie… et pour cause, l’affaire semble être parfaitement  »entendue », avec discussions des scénarios possibles à l’insu des principaux intéressés, c’est à dire les citoyens.

Que dit cette dépêche en substance?

Que des grosses quantités de volailles ont dû être récemment abattues dans différents endroits du monde, que le virus aviaire n’est plus qu’à trois mutations d’une forme possiblement léthale d’humain à humain et qu’étant donné le retard de plusieurs mois dans la fourniture des vaccins H1N1 par rapport au début de la (fausse) pandémie, il est nécessaire d’envisager une nouvelle approche en préparation de la prochaine pandémie, à savoir celle d’une vaccination « pré-pandémique » qui pourrait consister à vacciner l’entièreté de la planète sur 3 à 5 ans de temps contre un virus qui ne surviendra peut-être jamais!!

 

Voici en effet quelques passages de ladite dépêche:

« En 2009, durant la pandémie du virus porcin H1N1, les vaccins furent disponibles seulement des mois après que le virus se soit propagé à l’ensemble du monde- et même alors, il n’y en avait que pour un cinquième de l’humanité.

La prochaine fois, les experts disent que nous aurons besoin d’une autre approche.

Les discussions portent sur une « vaccination pré-pandémique », consistant à immuniser les gens des années à l’avance contre une pandémie grippale qui ne s’est pas encore produite et qui pourrait ne jamais advenir, plutôt que de devoir créer des vaccins dans l’urgence, une fois que la nouvelle pandémie aura débuté. »

« Même si vous modifiez la production à la faveur de technologies à haut rendement, vous allez encore en rester à devoir chasser le virus » estime David Salisbury, directeur de la vaccination en Grande-Bretagne dont les conflits d’intérêts accablants ont déjà fait d’ailleurs couler beaucoup d’encre.

« En un mot, la production actuelle ne résoudra jamais le problème. Vous aurez toujours au moins une, si pas deux vagues d’infection avant que vous ne puissiez obtenir des quantités suffisantes de vaccin pour pouvoir obtenir un effet significatif… Si vous voulez devancer le virus, vous devez adopter une stratégie différente. »

« Les scientifiques et les fabricants de vaccins ont déjà produit des vaccins pré-pandémiques H5N1 et certains sont stockés par les pays riches comme les Etats-Unis et plusieurs gouvernements européens, à destination de leurs personnels médicaux de première ligne. »

« Les sociétés pharmaceutiques ont également beaucoup investi dans la grippe et leur capacité de production de vaccins est montée en puissance, en partie à cause de la pandémie de H1N1 mais aussi en réponse aux appels de l’OMS pour une meilleure préparation aux prochaineS pandémieS. »

 

 » Des programmes annuels de vaccination anti-grippale ont également pris de l’ampleur ces dernières années, avec comme résultats que les campagnes saisonnières sont à présent bien établies dans de nombreux pays développés et dans certains pays en développement et que les structures existent donc pour vacciner beaucoup de gens. »

 

« Alors, pourquoi ne pas mettre tous ces éléments ensemble et exécuter une campagne de vaccination pré-pandémique pour prémunir les victimes potentielles avec une vaccination pré-pandémique? »

La dépêche se poursuit alors de façon à la fois dramatisante (rappel des ravages de la grippe espagnole, rappel également d’une récente étude ayant prétendu que les décès dus à la grippe H1N1 pourraient avoir été sous-estimés et se monter à 500 000 dans le monde, rappel du taux de létalité de 60% de la grippe H5N1 jusqu’à présent,..) et  pseudo-rassurante (ouf, il y a notre sacrosainte solution, la vaccination prépandémique qui va tout arranger!). C’est ce qu’on peut appeler le tandem « PEUR-PROTECTION »: on fait peur parce que cela va alors créer artificiellement un besoin de protection qui n’existerait pas sinon. C’est une technique marketing bien connue pour pousser à consommer.

Le communiqué rapporte alors les propos d’un scientifique de Novartis, Rino Rappuoli, qui avait écrit sur le scénario d’une pandémie de grippe aviaire dans le journal Science du mois dernier -Novartis, Sanofi et GSK étant les fabricants de plusieurs vaccins anti-H5N1 déjà approuvés-:

« Etant donné que des vaccins anti-H5N1 disposant d’une autorisation sont déjà disponibles, nous avons l’option de vacciner les individus à haut risque ou de vacciner plus largement, incluant les populations de pays individuels ou même de continents entiers, ou encore de vacciner l’entièreté de la planète. » a-t-il écrit.

« Il s’agit seulement d’évaluer les coûts, la logistique et le risque d’implémenter une telle campagne de vaccination. Cela n’est pas impossible. » a-t-il poursuivi.

« Une campagne mondiale pourrait prendre de 3 à 5 ans » a-t-il également estimé.

Dans la revue scientifique Expert Rev. Vaccines de févier 2012, les scientifiques italiens de l’Institut de Santé publique concluaient ainsi le compte-rendu de leur publication sur l’Aflunov, le dernier vaccin prépandémique en date de Novartis contre le H5N1: « En 2010, le Comité des Médicaments à Usage Humain de l’Agence européenne du Médiament a émis une opinion positive sur l’Aflunov et en janvier 2011, l’Aflunov recevait son autorisation de mise sur le marché. Ce vaccin pourrait être très utile dans l’éventualité d’une adaptation du virus H5N1 aux humains, ce qui pourrait causer une nouvelle pandémie. »

Le Dr Albert Garcia, porte-parole du pôle « Préparation Pandémique » de Sanofi Aventis, lui, n’est pas aussi enthousiaste au sujet de ces vaccins prépandémiques auxquels il dit « ne pas croire », bien que Sanofi avait pourtant présenté un vaccin prépandémique contre le H5N1 lors d’une conférence internationale, pour lequel ils n’ont finalement jamais demandé d’autorisation de mise sur le marché (AMM).

La dépêche de Reuters, qui ne donne toutefois pas du tout la parole au moindre scientifique circonspect se permet d’écrire que l’approche d’une vaccination pré-pandémique paraît sensée, en se basant sur une précédente étude (probablement pas indépendante!) de l’Université de Leicester selon laquelle les gens déjà préalablement immunisés contre une souche différente de grippe garderaient une « mémoire immunitaire » utile en cas de contact avec un autre virus grippal, des années plus tard. C’est ce qu’ils appellent « l’effet d’amorce » mais que d’autres scientifiques appellent aussi le « péché originel », en expliquant au contraire que l’élaboration de futurs anticorps contre de futurs virus sera de moins en moins efficace au fil du temps, précisément parce que le modèle de fabrication de ces anticorps reste calqué sur « l’empreinte virale initiale », un peu donc comme une clé qui serait de moins en moins adaptée à la serrure à force d’essayer de la forcer. Par ailleurs, rien n’est non plus redit ici sur les autres récentes découvertes de chercheurs qui ont pu démontrer que la production d’anticorps n’était pas du tout essentielle dans la lutte contre différents virus.

Selon cette dépêche Reuters, qui prépare déjà habilement le terrain, la vaccination pré-pandémique pourrait limiter le tribut humain à payer en cas de pandémie.

L’OMS (comment s’en étonner…) semble bien sûr très enthousiaste au sujet d’une telle vaccination pré-pandémique, le Dr Nikki Shindo de l’Organisation ayant affirmé qu’il s’agissait d’une « excellente idée » en théorie. Pour le Dr Shindo, la vaccination permettrait de rendre la maladie moins sévère chez les gens vaccinés, de réduire les décès et de réduire la transmission virale (remarquez le glissement: on ne parle déjà même plus de leur éviter purement et simplement la maladie!)

Mais l’OMS est infiltrée par les fabricants or, comme le mentionne tout de même Reuters, « Cela ferait sûrement plaisir aux compagnies pharmaceutiques de se voir offrir une nouvelle opportunité d’accroître leurs capacités de production de vaccins antigrippaux, ce qui leur permettrait potentiellement de rééditer un bénéfice supplémentaire de 7 milliards de dollars, comme ils en ont connu un à l’hiver 2009-2010. »

« Appliquer toutefois dans la réalité cette idée théorique de vaccination pré-pandémique est une autre affaire » écrit encore Reuters, précisant que cette idée séduirait peu les cénacles gouvernementaux, sans doute bien conscients de la difficulté à convaincre les gens de se faire vacciner (avec les risques d’effets secondaires que cela comporte)  et de dépenser ainsi dans le contexte actuel d’austérité des sommes folles contre une grippe inexistante.

Mark Clark, analyste pharmaceutique à la Deutsche Bank, «  ne pense pas que le monde est prêt à payer pour quelque chose comme ça maintenant. Le moment n’est juste pas économiquement propice. »

Mais pour quelqu’un comme le Pr Salisbury, « toutes ces stratégies méritent qu’on y réfléchisse« . Il estime que les gouvernements ont encore un bon bout de chemin à faire avant de prendre ce genre de décisions qu’il estime « chargées de bon sens(sic!) et appuyées par la Science (rien que ça!) ». On aura vraiment tout lu et tout entendu.

Commentaires et analyse d’Initiative Citoyenne:

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Cette dépêche démontre à quel point une certaine caste veut A TOUT PRIXet à l’exclusion de toute autre méthode de prévention, vacciner l’humanité entière, comme si l’inondation vaccinale de la planète entière chaque année via des milliards de doses de vaccins ne suffisait toujours pas!

Cette préparation morbide de la population depuis le début des années 2000 à la grippe aviaire est grotesque mais pour les pharmas qui tirent les ficelles, elle ne l’est évidemment pas.

Si vous êtes suffisamment attentifs aux différentes « pièces du puzzle » qui s’enchaînent et s’imbriquent sous vos yeux, vous verrez et vous comprendrez qu’il est assez peu probable que ce déploiement colossal de moyens financiers au sujet de la grippe aviaire ne finisse jamais par se solder par le moindre « retour sur investissements ». Cela signifie que tout sera fait pour que la prochaine pandémie survienne. Avec des firmes comme Medicago qui ont déjà commencé à produire, sur ordre du Ministère américain de la Défense, des grandes quantités de vaccins pandémiques H5N1, le Pr Lina en France qui a été officiellement payé pour faire se croiser les virus H5N1 et H1N1les équipes hollandaise et américaine qui ont évidemment fini par réussir à croiser ces virus pour rendre le nouveau venu à la fois très mortel et très contagieux, sans compter bien sûr tous les stocks de vaccins pré-pandémiques déjà constitués par de nombreux états, dont la Belgique, et entreprosés on ne sait où, il serait assez aberrant de penser qu’il n’y aura pas une suite.

Car oui, plusieurs magnats trépignent déjà en coulisses et tapent bel et point du poing sur la table: ils VEULENT vacciner la terre entière et dans leur esprit, nul doute à cela, vous y passerez également, que vous le vouliez ou non! (avec la bénédiction plus que probable de la très peu respectable OMS). Mme Testori de la Commission européenne non élue n’avait-elle déjà pas exprimé le même genre de souhaits publiquement le 5 octobre 2010?

USA – 1939

 Publié par Marc Lafontan | Libellés : , ,

Les relations avec les premières nations, tout reste à faire pour une coexistence harmonieuse

WENDAKE, QC, le 25 juill. 2012 – « Je tiens à souligner le succès de la nation crie et à féliciter son Grand Chef Matthew Coon-Come pour l’entente signée en matière de gouvernance du territoire de la Baie James. Mais il faudra aussi que tôt ou tard le premier ministre mette également de l’énergie sur la situation d’attente que les autres Premières Nations vivent », soutient Ghislain Picard. L’absence du premier ministre Jean Charest à une importante rencontre avec les leaders autochtones aujourd’hui à Halifax démontre une fois de plus sa négligence et son manque de respect envers les Premières Nations.

Il est en effet de tradition que les premiers ministres des provinces et territoires rencontrent les leaders autochtones à la veille des réunions du Conseil de la Fédération.

« Le premier ministre du Québec se doit de prendre en compte toutes les Premières Nations qui sont présentes et actives sur le territoire du Québec. Il ne peut se contenter de donner suite aux ententes signées par ses prédécesseurs avec quelques nations autochtones. Sur ce point, on doit se réjouir pour ces nations signataires d’ententes, et même les en féliciter. Mais qu’en est-il des autres ? » déclare Ghislain Picard, Chef de l’APNQL, faisant ainsi référence à la signature hier d’une entente territoriale avec la nation crie.

« Une large majorité de nos Premières Nations se fait fermer la porte par le gouvernement de Jean Charest dès qu’il est question de gestion du territoire et de partage des ressources. Cette attitude du gouvernement provincial est condamnable. Elle a et aura de plus en plus de conséquences néfastes sur le développement harmonieux de l’économie du Québec. Sur ce plan, entre autres, le bilan de neuf ans de gouvernement Charest est négatif.

En refusant de rencontrer aujourd’hui les leaders autochtones à Halifax, Jean Charest ne fait que confirmer sa négligence pour des questions d’importance cruciale pour l’avenir du Québec », ajoute le Chef de l’APNQL.

pressegauche.org

 

Terrorisme d’État – Canada, Guatemala et crimes de guerre


Entre 1992 et 2001, Mary Ellen Davis a réalisé trois documentaires au Guatemala : Le songe du diable, Tierra madre et Le pays hanté. Cette trilogie nous fait connaître des peuples autochtones victimes d’injustices qui luttent pour leur survie et leur dignité. Pour ces réalisations, la cinéaste a rencontré des gens dont les proches ont été brutalement torturés et assassinés par l’armée, sous le faux prétexte qu’ils appartenaient à la guérilla. Elle y fait le portrait d’un peuple dépossédé de la terre de ses ancêtres, devant travailler sur les plantations de riches propriétaires terriens pour un salaire dérisoire. Elle tourne aussi en 1996 un documentaire sur la situation politique au Mexique, Mexique mort ou vif, en y accompagnant un réfugié qui retourne dans son pays après plusieurs années d’exil. On y découvre des régimes corrompus prêt à tuer et à entretenir la précarité de la population pour se maintenir au pouvoir. Source

Des citoyens de tous les horizons parviennent jusqu’au Canada à titre de réfugiés ou d’immigrants. Leurs histoires sont étonnantes pour qui veut les écouter et les croire. Parfois même, elles se croisent.

 

Il en va ainsi du destin de deux hommes d’origine guatémaltèque qui ont abouti séparément au Canada et sont devenus citoyens canadiens : Ramiro Cristales et Jorge Vinicio Sosa Orantes. Chacun à sa manière, ils ont vécu le massacre de Las Dos Erres, survenu le 7 décembre 1982 dans le Peten, en pleine guérilla. Au petit matin, un groupe de Kaibiles, les forces spéciales de l’armée guatémaltèque, est entré dans le petit village de Las Dos Erres, forçant les habitants à sortir des maisons pour se rendre à l’école et à l’église du village, où hommes, femmes et enfants furent torturés, violés et assassinés. Après plus de 24 heures de massacre, quelque 250 personnes étaient tuées.

 

Ramiro Cristales est un des rares survivants de cet événement, qui est survenu alors qu’il avait cinq ans. Quant à lui, Jorge Vinicio Sosa Orantes est un ancien militaire et il est accusé de crimes de guerre et contre l’humanité dans son pays d’origine. Il se trouve depuis janvier 2011 dans une prison, en Alberta, et le Canada a le pouvoir – et même, le devoir – de l’extrader vers le Guatemala pour qu’il y subisse son procès, à moins de le traduire ici même en justice. Or notre gouvernement s’abstient d’agir, bien que les motifs ne manquent pas, ce dont je peux témoigner personnellement.

 

Troublantes exhumations

 

Cette histoire me touche parce que je m’en suis approchée. Le 24 avril 2012, je me trouvais aux confins de la base militaire de Coban, au Guatemala, en compagnie de Blanca Rosa Quiroa de Hernandez, survivante de la guerre et membre de FAMDEGUA (Familiares de detenidos-desaparecidos de Guatemala). Étaient également présents sur les lieux un fonctionnaire du ministère de la Justice guatémaltèque, un officier de l’armée guatémaltèque, un avocat militaire, plusieurs archéologues et fossoyeurs de la FAFG (Fundación de antropología forense de Guatemala) qui y menaient des exhumations depuis quelques semaines.

 

Ils en étaient à la 17e fosse commune, et ils avaient trouvé une centaine d’ossements non identifiés. Le résultat des fouilles dans la fosse no 15, par exemple : 37 jeunes de moins de 18ans et plusieurs femmes. D’après les vêtements et les ornements trouvés, il s’agirait, m’informa-t-on, de gens issus de communautés mayas-achis. D’autres fosses restent à ouvrir.

 

Non loin de là, à l’extérieur de la base, d’autres membres de la FAFG, aidés de traducteurs, recueillaient les témoignages de la parenté de personnes disparues, dans leur langue natale autochtone, à propos des circonstances de chaque enlèvement. Les survivants fournissent un échantillon de salive comme preuve d’ADN à des fins d’identification scientifique.

 

Ces exhumations renvoient à d’autres événements tragiques survenus au Guatemala. Dix ans auparavant, un témoin avait révélé que des individus séquestrés (ou « forcés à disparaître ») avaient été livrés à la base militaire pour être interrogés. C’est-à-dire torturés à des fins de renseignement. Après quoi, ils avaient été exécutés et jetés dans des fosses communes.

 

Les fouilles qui sont toujours en cours au Guatemala sont le résultat de 10ans de démarches juridiques : les efforts inlassables de l’organisation FAMDEGUA et de leurs représentants légaux. En effet, entre 1960 et 1996, on compte 45 000 victimes de disparition forcée et d’exécutions extrajudiciaires : étudiants, professeurs, syndicalistes, travailleurs, intellectuels, écrivains, artistes, mères de famille. Les régimes militaires les percevaient comme des ennemis internes, des « subversifs » de gauche, qu’il fallait liquider.

 

Des survivants racontent

 

Autre retour dans le temps : en 1999, je filmais des séquences pour le documentaire Le pays hanté sur le site du hameau de Petanac où, le 14 juillet 1982, l’armée guatémaltèque massacrait tous les villageois sur place – des Mayas Chuj – avant de mettre le feu aux maisons. J’étais en compagnie de Mateo Pablo, survivant et témoin oculaire de cette tuerie. Réfugié au Canada, il vit à Montréal. Les résultats de ces exhumations corroboraient en tout point les témoignages précis de la douzaine de survivants.

 

Cinq ans plus tôt, en 1994, je m’occupe d’un autre tournage, avec FAMDEGUA, dans un autre cimetière clandestin. Avec mon équipe, on recueille des témoignages à propos du massacre de Las Dos Erres, perpétré par un bataillon de Kaibiles de l’armée guatémaltèque. Des survivants, des voisins racontent ce qu’ils ont vu et entendu. Les anthropologues allaient découvrir des horreurs sans nom.

 

Après le tournage, je rencontre un autre survivant : Ramiro, qui avait cinq ans lorsqu’un des militaires impliqués dans l’opération l’a séquestré, alors que sa famille se faisait éliminer. FAMDEGUA avait requis ma présence à l’ambassade du Canada, car Ramiro, 18ans, allait donner son témoignage devant une cour guatémaltèque et voulait donc demander le refuge politique. Le statut lui serait accordé. Il vit maintenant au Canada, avec sa femme et ses deux jeunes enfants.

 

Peines d’emprisonnement

 

Retour en 2012. Le général Efrain Rios Montt, âgé de 86ans, est appelé deux fois devant les tribunaux pour faire face à des accusations de génocide et crimes contre l’humanité. À la fin de la lecture des preuves et des conditions, on entend jaillir un cri collectif, mélange de joie, de soulagement et de victoire. Moment historique : la libération est refusée. Il n’est pas emprisonné, mais il est au moins assigné à domicile pour la durée des procès. Il était au pouvoir du 23 mars 1982 au 8 août 1983. Il était aux commandes du pays lors des deux massacres que j’ai mentionnés.

 

En 2011 et 2012, cinq ex-militaires accusés du massacre de Las Dos Erres ont été condamnés chacun à 6000 ans de prison. Ces peines – de durées qui semblent surgies d’un roman de Gabriel Garcia Marquez – étaient l’aboutissement de décennies d’efforts de la part d’activistes et de professionnels déterminés à défendre la mémoire des 200 000 morts pendant les 36ans du conflit. Ces organisations avaient réussi, malgré tous les obstacles, à recueillir et à fournir des preuves irréfutables.

 

Au Canada maintenant

 

Aujourd’hui, le Canada a une occasion unique d’emboîter le pas aux tribunaux guatémaltèques. Un sixième accusé du massacre de Las Dos Erres, derrière les barreaux en Alberta, se bat contre une requête d’extradition des États-Unis pour fraude de citoyenneté. La prochaine audience de Sosa Orantes a lieu le 25 juillet. S’il est extradé aux États-Unis, sa peine ne sera pas à la mesure des atrocités dont il est accusé au Guatemala.

 

C’est pourquoi plusieurs organisations (dont Maritimes-Guatemala Breaking the Silence Network, le Projet accompagnement Québec-Guatemala, le Centre canadien pour la justice internationale, Rights Action, le Comité de justice sociale) exigent depuis un an que le Canada respecte les conventions internationales qu’il a signées, sa propre Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, et qu’il ordonne une enquête sur les responsabilités de Sosa Orantes ; ou bien que le ministère de la Justice sorte de son tiroir secret la demande d’extradition livrée en juin 2011 par le Guatemala, un dossier d’environ 400 pages selon la correspondance gouvernementale qui m’a été fournie par les juristes de ce pays.

 

À cet égard, le gouvernement du Canada fait preuve de moins de transparence que celui du Guatemala, car si notre ministère des Affaires étrangères reconnaît avoir reçu ce dossier et l’avoir transmis au ministère de la Justice, celui-ci, en revanche, refuse d’en reconnaître l’existence. Le Groupe d’entraide internationale (ministère de la Justice), qui reçoit les demandes d’extradition, ne répond pas aux appels.

 

Le Canada doit aussi répondre à la demande soumise par Ramiro Cristales qui, à titre de survivant de ce massacre et citoyen canadien, exige que justice soit faite au Canada, ou au Guatemala, pour les horreurs commises à Las Dos Erres. Voici une bonne occasion pour que le Canada défende les valeurs familiales si chères au gouvernement conservateur. Les victimes de terrorisme d’État le méritent.

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Mary Ellen Davis – Documentariste indépendante

Balazs Gardi – Photo-reportage réalisé en Afghanistan avec un Iphone en mode Hipstamatic

 Publié par Saby
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Le photo-reportage visible plus bas est le travail de Balazs Gardi, un photographe indépendant hongrois. Ce photo-reporter s’est taillé une solide réputation d’engagement, montrant souvent par son travail le quotidien des communautés marginalisées pendant les crises humanitaires partout autour de la planète. Progressivement, l’homme semble vouloir montrer de plus en plus combien les tensions sociales et les conflits géopolitiques liés à l’eau transforment le monde.

Balazs Gardi a vu à plusieurs reprises ses images récompensées, avec par exemple 3 premiers prix au World Press Photo (!!!) et le prix Bayeux pour un reportage en 2008 dénommé « l’Afghanistan : la vallée ». Ce reportage, à l’époque publié par le New York Times, est encore visible aujourd’hui sur le site du Prix Bayeux (avec le contexte de prise de vue des images commenté en français).

Le reportage dont il est possible de voir quelques images ci-dessous est le fruit de cinq mois de travail que Balazs Gardi a effectué en 2010 et 2011 dans la province Afghane de Helmand dans le cadre du Projet Basetrack, en compagnie d’un bataillon de Marines américain. Ce projet appartient à November Eleven, une association caritative américaine, et se veut l’application au journalisme de l’un des principes du logiciel libre, l’Open Source. C’est ainsi qu’une communauté composée d’artistes, de techniciens et de journalistes rassemblent et mettent en commun leurs travaux au sein d’un site web ouvert et capable d’afficher les vidéos et les photographies géolocalisées, les articles,  sous forme de frise chronologique ou de carte interactive pensées pour être intuitives pour les visiteurs. Toujours avec cette volonté d’ouverture de la part de ses membres, la masse d’information ainsi publiée, l’est sous licence Creative Commons, sous sa forme CC BY-NC-ND 3. 0 :  tout visiteur du site se voit ainsi libre de partager le contenu de celui-ci, aux seules conditions de ne pas le transformer, d’en citer la provenance, et de ne pas en tirer profit.
Sur le plan technique, Balazs Gardi s’est imposé une contrainte de taille puisque toutes ces images ont été réalisées avec un Iphone. Quiconque ayant déjà eu l’occasion d’essayer de faire une photographie avec le célèbre smartphone de la firme à la pomme n’ignore pas combien avec une optique pareille, il est difficile de faire avec une image tout juste potable. Balazs Gardi a décidé de pousser au bout les limites imposées par un tel choix en utilisant en plus une application écrite pour ce smartphone, nommée Hipstamatic. Cette application permet de singer avec un Iphone le rendu de l’Hipstamatic, un célèbre petit appareil photo russe à très bas prix des années 80.
Un tel reportage ne partait donc pas forcément dans de bonnes conditions, au moins sur le plan technique : un smartphone avec une optique lamentable, une application permettant de prendre des photographies carrées à la façon d’un appareil argentique russe des années 80… Quelques avantages, malgré tout : l’appareil tient dans une poche et ne pèse rien par rapport à la traditionnelle panoplie d’un photo-reporter en zone de guerre et se montre d’un usage bien plus discret, tout en offrant la possibilité de géolocaliser les photographies.
Malgré les contraintes techniques, les images composant ce photo-reportage reflètent l’étendue du talent de Balazs Gardi. Là ou n’importe qui, dans les mêmes conditions, auraient produit des images ternes et sans intérêt, lui explore la possibilité de donner à ses photographies des perspectives nouvelles, avec des images aux cadrages très minutieusement travaillés, dans une structure carrée assez particulière. L’absence d’éclairage artificiel, le niveau de zoom inexistant de l’appareil ont contraint le photographe à une proximité avec ses sujets, donnant naturellement des images au caractère naturellement intimiste.
Pour le reste, place aux images :

L’accaparement des terres : l’Inde en guerre contre ses paysans

Notre terre, avec ses mers, ses rivières et ses eaux dormantes, qui fournit leur nourriture aux groupes humains divers à qui elle a donné naissance, qui porte toute cette vie qui respire et foisonne, nous offre en premier lieu la joie d’étancher notre soif.

Prithvi Sukta, Atharva Veda.

En Inde, l’État arrache par la force leurs terres aux paysans et les remet aux spéculateurs, aux grosses sociétés foncières et minières et à l’industrie du divertissement.

La terre, c’est la vie. Pour les paysans et les peuples autochtones de tout le Tiers Monde, c’est le fondement de leur subsistance. Mais c’est aussi désormais le premier investissement au sein l’économie mondialisée. Comme la mondialisation exige de plus en plus de ressources, la terre devient un enjeu majeur des conflits. En Inde 65% de la population dépend de la terre. Parallèlement l’économie mondialisée, poussée par la spéculation financière et le consumérisme effréné, exige de plus en plus de terre pour ses mines et son industrie, ses villes, ses autoroutes et ses plantations pour les agrocarburants. Le montant des spéculations financières représente cent fois la valeur totale des biens et services réels.

Le capital financier est avide d’investissements et de retour sur investissement. Il lui faut changer en profit toute la planète – l’air et l’eau, les plantes et les gènes, les microbes et les mammifères. La transformation en marchandise pousse les entreprises à s’accaparer les terres de l’Inde, aussi bien par la création de zones spéciales qu’au moyen d’investissements étrangers directs dans les biens fonciers.

La terre, pour la plus grande partie de l’humanité, c’est la Tierra Madre, Mother Earth, Bhoomi, Dharti Ma. La terre, c’est l’identité même des peuples, la base de leur culture et de leur économie. Le lien avec la terre est un lien avec Bhoomi, notre terre ; 75% de l’humanité vit de la terre et la terre est son berceau. La terre est le premier employeur au monde : elle représente 75% de la richesse du Sud mondialisé.

Le fondement de la colonisation, c’était l’appropriation des terres par la violence. Et maintenant la mondialisation et le néocolonialisme induisent un accaparement massif des terres indiennes, africaines et latino-américaines. On s’accapare la terre en vue d’investissements spéculatifs, de l’extension des villes, de l’extraction minière et des autres industries, de la construction de routes et d’autoroutes. On vole leur terre aux paysans après les avoir pris au piège de l’endettement et poussés au suicide.

Les problèmes de la terre en Inde

En Inde, un mélange empoisonné des lois coloniales 1894 régissant les acquisitions foncières et de la dérèglementation néolibérale des investissements et transactions commerciales favorise l’accaparement des terres – et avec lui le règne de la cupidité et de l’exploitation sans frein. L’avènement d’un État policier et l’utilisation de lois coloniales réprimant les révoltes, et rendant antinationale la protection des intérêts de l’État et de la nation joue aussi son rôle.

Il y a des années que la Banque mondiale s’efforce de transforme la terre en marchandise. En 1991, son programme d’ajustement structurel a stoppé la réforme agraire et dérèglementé l’industrie minière, les routes et les ports. Alors que les lois postérieures à l’indépendance, prévoyant de laisser les terres aux paysans qui l’exploitaient, étaient abolies, la loi de 1894 est restée.

Ainsi l’État a pu contraindre les paysans et peuples autochtones à lui céder leurs terres, revendues ensuite à des spéculateurs ou à des entreprises immobilières, industrielles et minières.

Dans toute l’Inde, depuis Bhatta dans l’Uttar Pradesh à Jagasingphur dans l’Orissa et Jaitapur dans le Maharashtra, le gouvernement a déclaré la guerre à nos paysans, nos annadatas (paysan en telugu) pour les dépouiller de leurs terres fertiles.

L’instrument de ce vol a été la loi coloniale sur les acquisitions foncières, utilisée par les dominateurs étrangers contre les paysans indiens. Le gouvernement se comporte comme ces étrangers lorsqu’ils instaurèrent en 1894 cette fameuse loi, afin de s’approprier la terre au profit des entreprises : JayPee Infratec dans l’Uttar Pradesh pour l’autoroute Yamuna, POSCO dans l’Orissa et AREVA à Jaitapur – le tout au bénéfice d’intérêts privés et non de l’intérêt public, aussi débridée que soit notre imagination. C’est aujourd’hui monnaie courante chez nous.

Les guerres pour la terre sont lourdes de conséquences pour notre démocratie, la paix sociale et l’écologie, notre sécurité alimentaire et l’alimentation de la population rurale. Ces guerres doivent cesser, ou c’en est fait en Inde de l’écologie et de la démocratie.

Pendant que le gouvernement de l’Orissa s’apprête à arracher leurs terres aux gens de Jagasingphur, qui luttent démocratiquement contre cette spoliation depuis 2005, Rahul Gandhi a fait savoir qu’il était opposé à la réquisition des terres à Bhatta dans l’Uttar Pradesh dans un cas similaire. Jairam Ramesh, Ministre de l’Environnement, a concédé qu’il avait donné le feu vert au projet de POSCO « à la suite de fortes pressions.» On peut se demander : « Qui fait pression ? » Il faut en finir avec ce « deux poids, deux mesures » dans la question des terres.

Un pays méprisé

À Bhatta Parsual, Greater Noida (UP), la société Jaiprakash Associates (infrastructures) a acquis 2400 ha de terre pour y construire des résidences de luxe et des installations sportives, dont un circuit de formule 1, sous prétexte de construire l’autoroute Yamuna. Longue de 165 km, elle enlèvera des terres à 1225 villages. Les paysans ont protesté contre cette injuste spoliation et le 7 mai 2011 des heurts entre manifestants et policiers ont causé la mort de quatre personnes et fait de nombreux blessés. Si le gouvernement poursuit ses guerres pour la terre au cœur du grenier à céréales indien, la paix n’a aucune chance.

En tout cas l’argent ne peut compenser l’aliénation du pays. Comme l’a dit Parshuram, 80 ans, qui a perdu sa terre à cause de Yamuna : « Tu ne sauras jamais ce que l’on ressent quand on vous enlève votre terre. »

Alors que le gouvernement verse 300 roupies (6 dollars US) aux paysans pour 1 m de terre – sur la base de la loi de 1894-, il la revend 600 000 roupies (13 450 dollars) à celui qui porte le projet de « développement ». C’est à dire qu’il multiplie la valeur et donc le profit par 200 000. Cet accaparement des terres et ces profits alimentent la pauvreté, l’expropriation et les conflits.

De la même manière, à Jaitapur (Maharashtra), la police a ouvert le feu sur des manifestants pacifiques contre la centrale nucléaire projetée dans une cité près de cette petite ville portuaire. Une personne a été tuée et au moins huit autres ont été grièvement blessées. La centrale de Jaitapur, la plus grande du monde, sera construite par la société française AREVA. Après la catastrophe de Fukushima la contestation s’est accrue – l’entêtement du gouvernement a fait de même.

Aujourd’hui une situation analogue se prépare à Jagasingphur, Orissa, où 20 bataillons ont été envoyés pour soutenir l’acquisition anticonstitutionnelle de terres et protéger le plus gros investissement étranger en Inde, l’aciérie POSCO. Le gouvernement se propose de détruire 40 plantations de bétel pour pouvoir prendre leurs terres. Le bétel rapporte aux paysans 400 000 roupies (9000 dollars) par an pour 0,4 ha cultivés. Le mouvement contre POSCO s’est heurté un nombre incalculable de fois à la violence étatique au cours de ses 5 ans de lutte pacifique. Il entreprend une nouvelle action démocratique et non-violente – peut-être la dernière – de résistance à un État qui cherche à le spolier de sa terre de manière antidémocratique en usant de violence et se place au-dessus des lois et des droits constitutionnels.

La « plus grande démocratie du monde» détruit les bases de sa démocratie en menant ses guerres pour la terre. La Constitution reconnaît aux individus et aux panchayats (Conseils de village) le droit de décider démocratiquement en matière de terre et de développement, mais le gouvernement ignore leurs décisions, ce qui est apparu clairement dans l’affaire POSCO, lorsque trois panchayats ont refusé de céder leurs terres.

Le recours à la violence et la privation des moyens d’existence, caractéristiques de la tendance actuelle, met en danger non seulement l’avenir de la démocratie indienne, mais aussi pour la survie de l’Inde en tant que nation. L’Inde, qui affirme avoir une économie prospère et une forte croissance, est incapable de nourrir 40% de sa population ; n’est-ce pas là une honte nationale ?

La terre n’est pas destinée à se couvrir de forêts de béton, qui seraient la preuve qu’un pays se développe et bénéficie d’une forte croissance ; elle fournit l’eau et la nourriture, les fondements mêmes de la vie humaine. Donc c’est clair : l’Inde a besoin, non d’une politique d’accaparement des terres fondées sur une loi coloniale améliorée, mais d’une politique de maintien de nos sols, qui respectera notre écosystème, si important: par exemple la fertile plaine du Gange et les régions côtières, en raison de leur rôle écologique et de contribution à la sécurité alimentaire.

Donner une terre fertile à des entreprises privées qui forment désormais une nouvelle caste zamindar (noblesse héréditaire) ne peut être d’intérêt public. Les autoroutes privées et routes à grande vitesse ne sont pas des infrastructures indispensables. La véritable infrastructure dont l’Inde a besoin, c’est une infrastructure écologique garantissant l’eau potable et une alimentation correcte. Couvrir de béton et d’usines notre terre fertile, d’où nous tirons notre nourriture, signifie enterrer l’avenir de notre pays.


Courtesy of Vandan Shiva
Source: english.aljazeera.net
Publication date of original article: 07/06/2011
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Parfois, le silence

Un jour, il y a de cela une décennie et plus, j’ai croisé à la station de métro Berri-Demontigny une itinérante assise par terre, un sac de détritus entre ses jambes, l’air hagard. Il était environ 18 heures, c’était le printemps, la lumière du jour courait entre les portes tournantes vitrées qui donnaient sur le boulevard de Maisonneuve, jusqu’aux pieds de cette femme.

Je venais de terminer ma journée de travail, je me sentais bien, forte et en santé. J’ai discrètement sorti une pièce de deux dollars de mon sac et me suis approchée d’elle. Elle ne me regardait pas du tout, mais fixait des yeux un point quelconque devant elle. Je me suis penché, ai effleuré sa main pour qu’elle l’ouvre et prenne la pièce que je lui tendais.

Elle l’a refusée. Un grognement sonore s’échappa de sa bouche gonflée et sèche, craquelée. D’un revers de la main, elle me repoussa.

Abasourdie, je reculai. Dans ma logique, je me faisais une joie de lui faire plaisir, et mon cerveau faisait déjà des calculs. Si trois ou quatre autres personnes lui donnaient un dollar ou deux, la somme lui permettrait de se payer un bon repas. Dans ma logique de deux et deux font quatre, c’était clair. Mais la logique linéaire est utile seulement pour les personnes qui fonctionnent bien socialement.

Jamais je n’oublierai le visage de cette femme. Qui avait dû être belle dans le passé, cela se voyait à ses traits bien découpés, larges, anguleux. Elle restait belle même dans la chair défaite et grise, ni maigre ni obèse, pourtant bien en chair. Elle avait dû avoir une belle chevelure, car son épaisse tignasse grisâtre et sale retombait en cascades sur ses épaules. Ses yeux – deux saphirs brouillés – reflétaient la souffrance. Mi-fermés, mi-ouverts. Quand la souffrance est trop brûlante, que les yeux soient fermés ou ouverts, cela n’a plus d’importance Ils sont figés dans la glaise de la mélancolie.

Oh, chère pauvre petite sotte de moi qui, juchée sur ses escarpins rouges, dans son tailleur crème, funambule gardée en équilibre par le fil des regards mâles, avec ses ailes d’ange en plastique, voulait acheter,  pour deux dollars, le sourire d’une femme usée à la corde, une jolie étoile à coller sur le tableau de sa vision de l’univers!

Mais l’univers n’est pas statique. On ne peut rien coller dessus.

Aujourd’hui que la vie m’a un peu changée, et qu’elle m’a fait goûter à la saveur acide de sa réalité, je vois ça différemment.

Parfois, devant la douleur des autres, il n’y a rien à faire, rien à dire, peut-être simplement garder le silence. Un observateur témoin. Une présence dans le regard. Le silence a le mérite de brûler le superflu.

Son image m’a longtemps suivie. Je ne l’ai jamais oubliée.

Qu’est-ce que j’attendais de cette femme usée? Un sourire? Un merci? La gratification de faire le bien? Cette femme souffrait tant qu’elle ne voulait pas faire semblant qu’une pièce de deux dollars allait améliorer sa vie. Elle ne voulait pas être obligée de dire merci et de jouer la comédie du contentement, si peu soit-il. Y croire, c’est ne pas savoir.

Ce soir, en cet instant même, cette femme que je ne connais pas, qui ne me connaît pas, qui est peut-être morte même, je le dis, je suis avec elle de tout mon cœur. Je revois son visage et la lueur de son regard. Je me contente d’être le témoin de sa désolation.

Le vent de l’esprit qui transporte tout ce qui est vivant et vibrant transportera cet instant où il le veut bien. Il le sèmera dans le jardin qu’il choisira.

Moi, je ne peux rien d’autre. Je ne suis que le voyageur qui observe.

Carolle Anne Dessureault

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