ILLUSTRATION: LA FEMME DE SABLE
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Comme ça et autrement, puisque le corps actuel n’est qu’un
avortement dans les formes.
Jean-Michel Valiquette
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À tous les soirs elle s’embaumait
De crème, de parfums, de délicats acharnements
À plâtrer les fissures de son visage
Les lambrisser, les taire, de tracés savants
Têtue, lutteuse, bravante et bavante.
Tous les soirs, tous les soirs
Des crèmes déridantes, au miroir
Elle tentait de refaire les poteaux de la tente
Elle lisait toutes les étiquettes
Elle regardait son œil
Ses paupières aux oubliettes
La molle chair pirate, l’écueil
Elle se mirait sur l’éclat métallique
De sa bouilloire électrique.
Rien n’y fit, ni les petits pots, ni les onguents
Ne pouvaient ramer la chair en avant
La peau suivit la loi de la gravité:
Elle s’affaissa, comme pour s’enfoncer
Dans le sol…. Newton: pas d’échappatoire…
Tous les soirs, tous les soirs
Aux reflets tard des miroirs
Elle teignit ses cheveux, ajouta trois dents
Pour calfeutrer ses fendillements
Elle mourut, d’un pas écroulé
Devant sa vanité, figée
Un soir d’avril, un premier
Comme un poisson congelé
Et le croque-mort fut surpris d’avoir si peu de travail
Lui, en vingt minutes, la rendit pareille
À on vivant, rien qu’en la regardant…
Tout le travail ayant été fait avant….
Gaëtan Pelletier
10 octobre 2001