On l’a tué d’un coup de papier
L’immigrant
L’ignoré
À peau sombre venue d’un pays
Où les guerres l’avaient déjà tué
Au royaume de la paperasse
Des gens biens habillés
Ne voient plus les yeux qui passent
Dans une formule gazée
«Avez-vous vos papiers?… »
Nul ne sait ce qu’il fait
Nul ne sait dans ces pays
Où les gens bien assis
Sur leur cœur de papier
La besogne est d’argent
Au pays où roule l’or
Des Organisés, tous rassis
Au pays du travail divisé
Zida la noire s’en était allée
Amoureuse d’un arabe
Sans couleur que la lumière :
L’amour les avait soudés
Puis un soir, en marchant
Leurs mains furent déliées
Par deux policiers armés
De haine et de temps
Liberté ! Liberté!
Criait la statue, bras levé
Mais son amant disparut
Dans une cellule invisible
Quelque part, sans pays
Qu’un mur indicible
De briques risibles
Les amants furent séparés
Comme les deux tours
L’un se perdit dans la jungle de papiers
Corps enfermé , mort à l’âme
Zida resta, emmurée
Dans la douleur de son amour
Au pays d’un bras levé
Liberté! Liberté!
Gaëtan Pelletier