J’ai un jour «attrapé» le mot grésil comme on imite un geste, c’est-à-dire non pas en le décomposant et en faisant correspondre à chaque partie du mot entendu un mouvement d’articulation et de phonation, mais en l’écoutant comme une seule modulation du monde sonore (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.461)
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Les matins me réveillent
Avec sa cloche de lumières
Son pas frileux dans la rosée les champs, Les lueurs craquent sur les arbres et se répandent en faisceau. Nous voilà les premières fleurs des pensées qui reviennent.
Comme une vie est un jour
Comme une vie un toujours
D’amours j’aurai frémi
Temps de chair dans la Terre-nid
Que je quitterai d’un regret souriant
Le ciel s’est orangé, pareil à mon sang. J’entends les délires des bruits brouissailleurs et la beauté me hante. Elle là, ici, dans les yeux frileux, les misères nues, les oiseaux qui chantent.
Les vieux prennent leur marche à pas muets, le souffle un peu gris, la mine ternie.
Ils auront marché du ventre à la terre. Comme nous tous, sur des bougeoirs de chair, la mèche éméchée.
Comme une vie est un jour
Comme une vie un toujours
Il faut prendre le temps qui tourne des horloges des corps, avant qu’il ne retourne à l’envers détricoter ce chandail éphémère. Les yeux de l’esprit sont trop petits, si petits, qu’ils ne savent concevoir ceux des âmes.
Laissons-nous aimer les doux
Laissons-nous aimer les tendres
Les autres sont des lueurs. Aimer les peines, admirer les peurs, les rires et les larmes. Je me souviens d’un ruisseau qui parlait à chaque pierre. Je n’ai su où il allait, je ne savais pas les mers. Maintenant je sais, et j’attends la culture des hier.
Comme une vie est un jour
Comme une vie un toujours
J’attends de voir la mer
Je ne vois plus la différence entre le chant de l’eau sur la pierre, ni celle de la chair sur la misère. Alors je vis, alors je dors, je puise de l’eau, de la beauté – parfois du sang.
Comme une vie est un jour
Un ruisseau parlant par la voie des pierres.
Gaëtan Pelletier
20 mai 2010