La petite pilule de lumière

 

chandelles

 

Un jour, – en fait le soir -, pendant  une panne d’électricité, nous dûmes nous éclairer à la chandelle, la plupart des batteries des lampes-torches étaient quasiment mortes. . Or, ce soir-là, il se passa un phénomène étrange. La télé étant éteinte, tous les systèmes sonores des appareils électriques avaient fini par nous parler sans cesse et sans cesser, tel un bruit de fond agaçant.

Il n’y avait rien à faire, sauf l’amour, ou lire.

…. nous décidâmes de lire. Déshabiller des phrases. On aurait dit, enfin, une sorte de tissus aux fibres enfin visibles.  Les phrases n’étaient plus les mêmes. Moins saccadées, plus douces et totalement accaparantes. Envoûtantes.

J’étais sur le coin de la table, et je me revoyais 10,000 ans plus tôt avec une infime particule de feu dansant. Les murs étaient lointains. Si lointains et si sombres… L’horloge fondit dans le mur. Tel un temps arrêté. Tel un temps aux aiguilles tordues, insignifiantes, mollusques…Un peu Dali en visite.

Les appareils électriques ne parlaient plus. Silence. Le plus total et le plus soudain. Le plus énigmatique… Car on aurait dit que le cerveau avait cessé de courir vers nulle part. Il avait retrouvé son nid ancien, sa demeure, son accalmie, son souffle au rythme de ses capacités anciennes.

Le paradis, c’était un peu ça. Toute la friture bruyante avait quitté la maison comme des fantômes lancinants.

Le diable est dans le son…

Le message sans message…

 

Il ne restait que la flamme et l’âme en union secrète. Mystérieuse. Magique.

***

En tentant de poursuivre ma lecture, la petite flamme de la bougie parut faire s’écrouler mes paupières. Je n’arrivais pas à comprendre. Comme Hitler, je pouvais me coucher à trois heures, mais moi je me réveillais tôt le matin. Et là, je voyais bien que la lumière, en plus du silence, avait éteint mes angoisses, mes peurs, les traces de toute l’agitation diurne.

J’ai tenté de tenir le coup jusqu’à 23h00. Mais mon corps était comme paralysé. Je suis allé au lit comme frustré de ne pas avoir été nourri de mes petites drogues quotidiennes. La télévision, cet accroche-paupières. Ce piège à cerveau. La trappe à souris des ordis… ***

Je compris que la lumière était vivante, mais que trop de lumière risquait également  de nous  brûler. Vivre ou mourir était une question de « quantité ». Il y a la lumière pour vivre et celle pour mourir. Il y le son pour dire et le son pour empoisonner.

Les coups de soleil du cerveau :

Dans cet univers de massacres par les pubs, les idées bien affilées et enfilées, le mitraillage des in-faux, la bruitaille  continuelle, lancinante, écrase l’ouverture d’esprit en alignant comme des soldats des idées marchant aux pas des idées.

À force de nous tuer un peu le jour, on veut vivre la nuit. À force de travailler pour remplir des banques, on s’appauvrit. Mais pas seulement des avoirs. Du non-respect qui est une haine rose pour les humains.

Éteindre ses peurs en ne se nourrissant pas des frayeurs pitoyables émises pendant la pseudo information. En être esclave et brisé. De cela nous n’en avons pas conscience parce que notre pouvoir de conscience est étouffé par un faisceau trop puissant pour notre capacité d’absorption.  Le développement technologique a dépassé notre charge supportable.

Nous sommes en quelque sorte dépassés sans le savoir, puisque le progrès, le réel, est un bien-être apporté à chacun.

La fin du monde commence là où le bruit, tous les bruits, écrits, parlés, écoutés, ingurgités, nous agitent au point de nous dénaturiser.  

Ce monde est en train de nous faire croire que les robots nous rendront heureux, que l’agitation nous rendra heureux.

 

C’est ainsi que s’éteignent plusieurs d’entre nous qui allons  flirter vers des lumières trop chaudes… Trop vives! Comme ces papillons qui girouettent alentour des ampoules  par les soirs d’été.

Est-on nourris ou brûlés? Et pour quelle cause?

La réponse est sans pilule, sans cet amoncellement d’artifices, sans cette route sinueuse du pouvoir de ceux qui les tracent.

***

Le lendemain, nous nous sommes réveillés, contents, dispos, tout en rêvant de ne pas avoir à revivre le cauchemar de la chandelle.

Il aurait fallu quelques mois pour éteindre suffisamment ce monde troublé pour défaire lentement notre trouble intérieur. Ou quelques années…

 

Gaëtan Pelletier

 

4 réponses à “La petite pilule de lumière

  1. belle réflexion :
    nos barreaux imaginaires sont très réels !
    l’épicerie et les taxes…

    Comme au zoo de Granby, on regarde le monde à partir de nos cellules !

    (comme Hitler ??! il se couchait à 3 hrs ?:O)

    • Ouais! J’ai visionné un documentaire sur Hitler. Il semble que son « rythme » était de dormir de 3 h à midi. Alors, dit-n, il prenait un copieux déjeuner. Jusqu’à ce que son médecin détruise sa santé.
      🙂

  2. merci bcp pour ce texte plein de vérité que je vais republier sur mon blog

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